Un spectaculaire incendie s'est déclaré la nuit dernière dans l'usine Lubrizol de Rouen, classée Seveso. Un impressionnant panache de fumée, de 22 km de long et six de large, était visible à plusieurs kilomètres à la ronde autour de l'usine ce matin. L'incendie n'a fait aucune victime mais les conséquences de cet incident inquiètent déjà. Deux généralistes rouennais racontent comment ils ont vécu cette matinée particulière.
Branché sur France Bleu Normandie depuis l'aube, le Dr Guillaume Levavasseur, généraliste au pôle santé-sport de Rouen, a attendu les premières informations de la préfecture avant de se rendre au cabinet. « Apparemment, les fumées n'étaient pas toxiques mais j'ai tout de même mis un masque », témoigne-t-il au Généraliste. Arrivé à son cabinet, le praticien prend conscience de l'ampleur de l'incendie en observant l'immense nuage de fumée depuis le pont Mathilde situé à quelques mètres de la structure. Son premier réflexe est de couper la ventilation extérieure du pôle de santé. « Je voyais aussi la fumée s'échapper de l'usine depuis la fenêtre de mon cabinet », ajoute-t-il.
La moitié des patients sont restés chez eux
À midi, seuls quatre patients sur dix prévus avaient honoré leur rendez-vous programmé avec le Dr Levavasseur. « La plupart ont préféré rester confinés chez eux comme l'ont préconisé les autorités », observe le généraliste. L'URML-Normandie a relayé dans la matinée les consignes de l'ARS et de la préfecture dans un mail adressé aux professionnels de santé. « La continuité des soins et des prises en charge doit être assurée, cependant il est souhaitable que les activités pouvant être reportées le soient jusqu’à nouvelle évaluation de la situation », indiquaient les autorités sanitaires.
Réveillé par des bruits d'explosion en pleine nuit, le Dr Stéphane Pertuet, généraliste à Barentin, a lui aussi vécu de près cet accident industriel. Le président de la FMF Normandie habite à 5 km de l'usine et a tout de suite pensé à un problème sur le site Seveso. « J’ai ouvert la fenêtre et j’ai vu les volutes de fumée qui montaient à 6 ou 700 mètres, c’était très impressionnant. J’en parlais avec des amis il y a quinze jours et je disais "le jour où ça va péter, il y aura des gros dégâts" », raconte-t-il. Le Dr Pertuet ne consultait pas aujourd'hui mais il s'est tout de même rendu dans le centre-ville de Rouen où il devait assister à une réunion. « Ça sentait un peu le plastique brûlé, la vieille chaudière mal réglée. Le centre-ville était désert », observe-t-il.
Risques de pollution de l'air et de la Seine
Si le feu a été maîtrisé à la mi-journée, plusieurs jours seront probablement nécessaires pour venir à bout à bout de l'incendie, a indiqué le ministère de l'Intérieur. L'usine, où travaillent environ 400 employés, fabrique et commercialise des additifs qui servent à enrichir les huiles, les carburants ou les peintures industriels. La fumée « porte en soi un certain nombre de produits qui peuvent être dangereux pour la santé », a indiqué le ministre de l'Intérieur Christophe Cataner, qui a toutefois précisé qu'il n'y avait pas de « dangerosité particulière » selon les premières analyses. Les autorités craignent également une pollution de la Seine.
Les deux médecins interrogés par Le Généraliste craignent en effet d'éventuelles conséquences environnementales et sanitaires liées à l'incendie. « Quand les suies vont retomber sur les voitures, dans les jardins, ça ne va pas être très écologique », déplore le Dr Pertuet. « Il faudra être particulièrement attentif aux patients fragiles, allergiques ou asthmatiques et bien dire aux gens de laver les fruits et légumes du potager par exemple », complète le Dr Levavasseur.
Une enquête ouverte
Ce jeudi après-midi, de nombreuses écoles, Ehpad, commerces et lieux accueillant du public étaient encore fermés à Rouen. Sur Twitter, le ministère de l'Intérieur, « par mesure de précaution », conseille « d'éviter les déplacements non indispensables dans l'agglomération de Rouen ». Une enquête pour déterminer les causes de l'accident a été ouverte par le parquet de Rouen.
Créée en 1954 sur les bords de la Seine, rive gauche, cette usine a été classée Seveso en raison des risques qu'elle comporte. Ce n'est pas la première fois qu'un incident a lieu sur le site. En janvier 2013, elle avait été à l'origine d'une fuite de gaz malodorant qui avait empuanti jusqu'à la région parisienne et au sud de l'Angleterre. La société Lubrizol France avait été condamnée à une amende de 4 000 euros en 2014. Plus récemment, en 2015, quelque 2 000 litres d'huile minérale se sont déversés dans le réseau d'évacuation des eaux pluviales après un « incident d'exploitation » à l'usine chimique.
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