La dermite associée à l’incontinence (DAI) est une pathologie très fréquente puisqu’elle concerne plus de 40 % des personnes en Ehpad et peut aller jusqu’à 50 % en hospitalisation de courte durée et 80 % en USI. Les facteurs de risque sont nombreux, et on se méfiera tout particulièrement des pansements occlusifs, des soins d’hygiène agressifs et répétés et de certains traitements comme les antibiotiques, les immunosuppresseurs ou les corticoïdes. « Mais toutes les incontinences doivent être considérées comme susceptibles de provoquer une DAI », a souligné le Dr Nathalie Faucher (gériatre, hôpital Claude-Bernard) lors des journées Cicatrisations 2023.
Liée à l’excès d’humidité du fait de l’exposition prolongée aux urines et/ou aux selles, la DAI se traduit par des lésions érythémato-vésiculeuses, évoluant vers une dermite vernissée rouge, parfois squameuse, avec des érosions pouvant aller, en l’absence de traitement, jusqu’à la destruction épidermique avec mise à nu d’un derme suintant. Les lésions souvent multiples et confluentes, très érosives, sont très inconfortables et souvent douloureuses. La DAI peut s’étendre à la partie inférieure de l’abdomen et du dos ou à la face antérieure et interne des cuisses, et, en cas de diarrhée, elle peut concerner toute la région périanale. Dans plus d’un tiers des cas, elle peut être colonisée par des levures type Candida Albicans, donnant un aspect « émietté » à l’érythème avec des papules ou des pustules blanchâtres en périphérie.
Le diagnostic différentiel avec l’escarre de stade 1 ou 2 n’est pas toujours facile, le terrain et les facteurs de risque étant identiques et les deux pouvant être associés. Mais la prise en charge est différente et le défi est parfois de savoir comment prioriser. La DAI est diffuse, mal limitée et touche la peau superficielle tandis que l’escarre débute dans les tissus sous-jacents en regard d’une proéminence osseuse ou d’un dispositif médical. La DAI, au début, donne plutôt des sensations de brûlures, de démangeaisons ou de picotements.
En prévention comme pour favoriser la cicatrisation, la première étape est d’optimiser la fonction de barrière cutanée et de limiter la durée du contact entre la peau et les urines ou les selles. La rééducation de l’incontinence est indispensable toutes les fois où elle est possible, de même que le traitement d’une cause éventuelle comme une infection urinaire, un fécalome, voire la prise de diurétiques, de laxatifs et d’antibiotiques.
Les changes doivent être complets, avec un bon niveau d’absorption mais ils ne doivent pas être irritants et sont à changer au moins trois fois par jour.
Le nettoyage est indispensable dès que la personne est souillée : pour assurer l’hygiène, il faut nettoyer sans frotter, avec un savon doux, une huile lavante, un pain dermatologique avec un pH proche de la peau ; il existe des gants pré-savonnés à humidifier, à utiliser sans rinçage. Pour essuyer, il ne faut pas frotter mais tamponner.
La peau doit être protégée de la source d’humidité, sans utiliser de produits gras ou occlusifs qui altèrent les protections. On dispose de divers crèmes ou gels à base d’oxyde de zinc, de diméthicone, d’acrylate terpolymer. Ils doivent être appliqués en fine couche et par effleurage. Différents produits existent sous forme de films protecteurs mais certains ne doivent être appliqués que toutes les 72 heures.
Certains gestes doivent être bannis : ne pas mélanger deux topiques cutanés, ne pas utiliser de pansements américains ni de compresse pour « renforcer » la protection (le produit seul suffit), ne pas masser la peau, ne plus utiliser une pâte à l’eau qui masque les lésions et oblige à frotter pour l’ôter, ou encore ne pas superposer couches et carrés type Absorbex.
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