En 2002, la crémation a été choisie pour plus de 100 000 défunts, soit 20 % des obsèques. En vingt ans, cette pratique funéraire a été multipliée par vingt, relève le CREDOC* (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), en « rupture radicale avec une tradition d'inhumation, inscrite dans les principes de la religion catholique ».
Dans les pays d'Europe du Nord et de l'Est, où l'influence protestante est forte, les taux de crémation dépassent déjà 50 % alors qu'en Europe du Sud cette pratique est encore marginale (5 %). En France même, les variations régionales suivent les influences religieuses : les taux de crémation les plus élevés (30 %) se retrouvent dans l'Est (Alsace, Lorraine et Provence-Côte d'Azur), et les plus faibles (moins de 8 %) dans des régions plus catholiques comme l'Auvergne ou la Picardie.
Outre une tolérance récente de l'Eglise catholique (mais le service religieux doit avoir lieu avant la crémation, pas devant l'urne), le CREDOC explique cette évolution par un changement de notre regard sur la mort lié aux évolutions sociales : on ne meurt plus chez soi, mais à l'hôpital (plus de trois personnes sur quatre) ; et l'on n'est plus entouré de tous les siens, familles souvent recomposées et éloignement géographique obligent.
Le rapport au corps aussi s'est modifié : les connaissances scientifiques lui ont enlevé son caractère mystérieux et sacré et la société génère une vision hygiéniste qui fait préférer la disparition immédiate à la lente décomposition. Enfin, une donnée importante est que la crémation est plus simple (pas d'entretien de sépulture) et moins chère (2 000 euros pour les obsèques simples, 30 % de moins environ que l'inhumation).
Mais il ne faut pas négliger le traumatisme psychologique que peut représenter la crémation pour une famille non préparée, non plus que la difficulté du travail de deuil en cas de dispersion des cendres.
L'auteur de l'étude du CREDOC, Jean-Pierre Loisel, en constatant cette « privatisation » de la mort, dans laquelle intervient de moins en moins la société, se demande jusqu'où elle va aller et si elle se poursuivra « au point de modifier très sensiblement notre rapport à la mort, et donc à la vie » ?
* « Consommation et modes de vie », n° 162, mars 2003.
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