La méningite tuberculeuse est probablement la forme la plus destructrice de tuberculose, en particulier chez les patients VIH et les jeunes enfants. Elle est difficile à diagnostiquer et à traiter; sa morbi-mortalité est élevée malgré un traitement prolongé, associant 4 antibiotiques pendant un an.
L’un des problèmes est la mauvaise pénétration cérébrale des antibiotiques antituberculeux, dont la rifampicine. Or les recommendations posologiques des antituberculeux reposent sur les concentrations sanguines utilisées pour traiter la tuberculose pulmonaire.
«Il est essentiel d’atteindre des concentrations suffisantes d’antibiotiques aux différents sites d’infection; cependant, après 50 ans d’utilisation clinique nous ne comprenons toujours pas comment optimiser la dose de rifampine. Les difficultés et les dangers liés à l'échantillonnage des tissus cérébraux ou à la réalisation des ponctions lombaires en série chez les patients souffrant de méningite tuberculeuse ont grandement entravé la quantification des concentrations médicamenteuses aux sites d'infection et leurs changements au fil du temps», explique le Dr Sanjay Jain, pédiatre et chercheur à l’université médicale Johns Hopkins, à Baltimore qui a co-dirigé l’étude publiée dans la revue « Science Translational Medicine ».
Rifampicine radiomarquées
Afin de mieux comprendre la biodistribution cérébrale de la rifampicine au cours du traitement de la méningite tuberculeuse, l’équipe a visualisé la rifampicine radiomarquée par le carbone 11 au moyen de la tomographie par émission de positons (TEP-11C-rifampicine).Ils ont d’abord étudié des lapins affectés de méningite tuberculeuse (suite à l’inoculation directe sous-arachnoïdienne du M. tuberculosis), qui ont été traités 3 semaines après l’infection par une bi-thérapie associant rifampicine (dose équivalente à 10mg/kg chez les humains) et isoniazide. Des examens par TEP-11C-rifampicine ont été réalisés toutes les 2 semaines pendant les 6 premières semaines du traitement.
« En utilisant l’imagerie TEP-11C-rifampicine, non invasive et répétée au fil du temps, nous avons démontré que la pénétration de rifampicine dans les lesions cérébrales est réduite, spatialement hétérogène, et diminue rapidement dès la deuxième semaine de traitement », précise le Dr Jain.
« Nous avons constaté avec surprise que les concentrations de rifampicine dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) ne sont pas bien corrélées aux concentrations dans les lesions cérébrales, alors que le LCR est actuellement utilisé pour quantifier les médicaments et l’infection dans le cerveau ».
Dose orale élevée
Dans un 2e temps, l’équipe a réalisé pour la première fois chez l’homme des TEP-11C-rifampicine. « Cet examen effectué chez 10 patients tuberculeux s’est montré sûr et bien toléré », assure le Dr Jain. L’un de ces patients, une femme de 24 ans (VIH-négatif), avait une méningite tuberculeuse ; une TEP-11C-rifampicine réalisée à 2 semaines du traitement antituberculeux (avec corticoïdes) a confirmé la faible pénétration de rifampicine dans les lésions cérébrales.
Enfin, une modélisation pharmacocinétique suggère que des doses orales plus élevées de rifampicine (supérieures ou égales à 30 mg/kg) seraient nécessaires pour obtenir des concentrations intra-lésionnelles adéquates chez les jeunes enfants atteints de méningite tuberculeuse (en comparaison aux doses recommandées de 10 à 20 mg/kg).
Cette étude, concluent les auteurs, démontre que « la TEP offre un outil clinique non invasif pour mesurer la distribution antimicrobienne dans les tissus infectés», et permet ainsi d’avancer vers une médecine de précision.
La TEP pourrait aussi être utilisée pour optimiser la posologie de la rifampicine dans d’autres maladies graves non-mycobactériennes, comme les endocardites et les infections de prothèses à Staphylococcus aureus.
«Bien que la TEP ne soit pas largement disponible dans les pays en voie de développement, elle peut être réalisée dans la plupart des grands hôpitaux et permettre des petites études de phase précoce (10 à 20 patients). Ces études pourraient alors fournir des données humaines détaillées sur la biodistribution multicompartimentale d’antimicrobiens nouveaux ou recyclés sans recourir à des procédures invasives», souligne le Dr Jain.
«Nous envisageons de poursuivre ces études chez des patients non seulement atteints de méningite tuberculeuse mais aussi atteints d’autres formes de tuberculose. De plus, nous planifions des études avec d’autres antibiotiques (marqués pour l’imagerie TEP) et pour d’autres infections», laisse entrevoir le Dr Jain.
E. Tucker et al., Science Translational Medicine,
doi:10.1126/scitranslmed.aau0965, 2018
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