La doxycycline, candidat sérieux au traitement de la maladie de Parkinson

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Publié le 22/02/2017
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Crédit photo : S. TOUBON

Selon des travaux français, argentins et brésiliens publiés dans « Scientific Reports », la doxycycline, utilisée à faible dose, est capable de réduire la toxicité des accumulations d'α-synucléine impliqués dans l'apparition de la maladie de Parkinson. Après ces résultats obtenus in vitro et sur un modèle animal, les chercheurs envisagent de lancer un essai clinique.

Une erreur qui rapporte gros

Au cours de travaux précédents, l'équipe de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) dirigée par Rita Raisman-Vozari, directrice de recherche au CNRS, et Julia Sepulvelda-Diaz, associée à une équipe argentine et 2 équipes brésiliennes, avait montré, dans des modèles animaux, que ce vieil antibiotique est capable de prévenir la neurodégénération chez des souris. « C'était de la pure sérendipité !», se souvient Rita Raisman-Vozari. « Un de nos étudiants était parti en Allemagne, où il devait rendre des souris parkinsoniennes. Au bout de 3 à 4 mois, il n'y parvenait toujours pas alors que le protocole est rodé depuis 40 ans, poursuit-elle. On s'est rendu compte qu'il se trompait dans l'alimentation des souris, et leur fournissait une nourriture riche en doxycycline. »

Les chercheurs ont ensuite tenté de rendre des souris parkinsoniennes, tout en les nourrissant normalement mais en leur injectant directement de la doxycycline. Là encore les souris sont protégées. La conviction des chercheurs est faite : la doxycycline a un effet neuroprotecteur vis-à-vis de la maladie de Parkinson… mais lequel ?

« Nous avons consulté la littérature : d’autres équipes avaient fait des observations similaires, poursuit Rita Raisman-Vozari. Nous avons émis une première hypothèse qui voulait que l'effet protecteur soit d'ordre anti-inflammatoire. » Cette hypothèse a été confirmée grâce un premier modèle expérimental de cellules gliales soumises à une inflammation mais intactes car protégées par la doxycycline. Il semblait toutefois évident aux scientifiques que l'action anti inflammatoire ne suffisait pas à expliquer la neuroprotection précédemment observée chez les souris.

L'hypothèse « Prion »

Dans le nouveau papier publié dans « Scientific Report », Forencia González-Lizárraga, de l'institut supérieur d'investigation biologique de Chacabuco (Argentine), et ses collègues internationaux, décrivent un autre mode d'action : le blocage de l'agrégation de l'α-synucléine.

Cette protéine est naturellement présente dans les neurones de la susbtancia nigra (locus niger). Sa conformation est différente chez les patients atteints de la maladie de Parkinson. Les chercheurs pensent que son agrégation et sa propagation dans d'autres aires cérébrales pourraient participer à la mort neuronale, comme dans les maladies à prions. « Nous avons mélangé des formes pathologiques de l'α-synucléine et de la doxycycline dans des tubes à essais, et observé que l'α-synucléine ne s'agrégeait plus et n'était pus toxique », détaille Rita Raisman-Vozari.

Les chercheurs tentent maintenant de concevoir une étude clinique et sont à la recherche de financements. « Nous essayons de sensibiliser les médecins, et sommes en discussion avec l'hôpital de Pointe-à-Pitre et d'autres services de neurologie, explique Rita Raisman-Vozari. L'important est de sélectionner les bons patients, à un stade précoce de la maladie. » Le protocole reste à écrire, mais les chercheurs de l'ICM envisagent d'employer des doses similaires à celles employées dans le traitement de l'acné : 100 mg/kg/jour. Ils restent attentifs au risque de développer des résistances. « Je suis en train de regarder la chimiothèque nationale du CNRS pour trouver des molécules proches de la doxycycline, mais qui ne sont pas des antibiotiques », affirme Rita Raisman-Vozari.


Source : lequotidiendumedecin.fr