D’un côté Lactobacillus, de l’autre, Staphylococcus

La flore des bébés dépend du mode d’accouchement

Publié le 23/07/2010
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DURANT L’ACCOUCHEMENT, le nouveau-né est exposé à une grande variété de micro-organismes, dont la plupart viennent de la mère, lors du passage de l’enfant par la filière génitale. Mais seule une petite proportion de ces bactéries vont coloniser, de façon permanente, des niches et contribuer à la constitution du microbiote spécifique de l’individu jusqu’à l’âge adulte. Or le mode d’accouchement peut avoir une influence sur les caractéristiques du microbiote et, par ce biais, avoir un impact différent sur la santé.

La détermination des toutes premières bactéries impliquées dans la colonisation des niches est importante pour comprendre les phases ultérieures du développement des écosystèmes bactériens complexes à l’âge adulte. L’équipe de Maria G. Dominguez-Bello a conduit une étude chez neuf femmes ayant accouché de dix bébés, quatre nés par voie basse et les six autres par césarienne. Seules les mères ayant accouché par césarienne ont eu des antibiotiques (céphalosporine) avant la naissance. Mais cette antibiothérapie n’a pas eu d’impact sur la flore bactérienne au moment des prélèvements. Chez les mères, des écouvillonnages cutanés, vaginaux et buccaux ont été recueillis une heure avant l’accouchement. Chez les bébés, des prélèvements buccaux, cutanés (avant que l’enfant ne soit débarrassé de l’enduit sébacé), rhinopharyngés et de méconium ont été réalisés : moins de vingt heures après la naissance pour les échantillons de méconium, moins de cinq minutes après pour les autres.

Une amplification génique de la région V2 du gène de l’ARNr 16S bactérien a été faite au niveau de ces échantillons. Le pyroséquençage (une méthode de séquençage rapide) avec amplification multiplex a produit 157 915 séquences géniques d’ARNr 16S à partir de 34 échantillons maternels et 46 prélèvements néonataux. Cette étude moléculaire - la première, semble-t-il, à être réalisée chez des femmes au moment de l’accouchement - révèle tout d’abord que les éléments dominants de la flore vaginale varient d’une femme à l’autre. Par ailleurs, les colonies bactériennes chez les nouveau-nés sont, pour l’essentiel, indifférenciées, que ce soit au niveau de la peau, de la bouche, du rhinopharynx ou de l’intestin ; ce, quel que soit le mode de délivrance.

De type vaginal ou de type cutané

La deuxième constatation importante des Vénézuéliens est que les enfants nés par voie basse présentent une flore très similaire au microbiote vaginal de leur mère, dominé par Lactobacillus, Prevotella ou encore Sneathia spp. À l’opposé, les communautés bactériennes observées chez les bébés nés par césarienne sont très proches des micro-organismes trouvés au niveau des prélèvements cutanés : Staphylococcus, Corynebacterium et Propionibacterium spp. Les bactéries des prélèvements oraux provenant de la mère ne semblent pas, quant à eux, influencer la flore de l’enfant.

Les toutes premières colonies bactériennes découvertes chez le nouveau-né semblent donc refléter très directement la voie d’accouchement : flore de type vaginal après délivrance par la voie naturelle et flore de type cutané après naissance par césarienne. Cette découverte pourrait en partie expliquer la sensibilité à certains agents pathogènes (par exemple les infections cutanées par le MRSA), plus marquée chez les enfants nés par césarienne que chez ceux nés par voie basse. Comme cette étude illustre, par ailleurs, que le microbiote du nouveau-né est largement indifférencié, au niveau de tous les habitats bactériens explorés, il serait intéressant, suggèrent les auteurs, de préciser les étapes chronologiques de la constitution du microbiote spécifique définitif à l’âge adulte.

MG Dominguez-Bello, R Knight et coll. Delivery mode shapes the acquisition and structure of the initial microbiota across multiple body habitats in newborns. Proc Natl Acad Sci USA (2010) Publié en ligne

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8795