Le lait contaminé par un ancien pesticide associé à la maladie de Parkinson

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Publié le 10/12/2015

Une étude épidémiologique menée à Hawaï et publiée dans « Neurology » a permis de faire le lien entre une forte consommation de lait, à une époque où celui-ci était fréquemment contaminé par des pesticides, et le risque de développer la maladie de Parkinson. « D’autres études avaient déjà montré un lien entre la consommation de produits laitiers et la maladie de Parkinson », explique le premier auteur de l’étude, le Dr Robert Abbott, de l’université des sciences médicales de Shiga à Otsu, au Japon.

Les auteurs ont recruté 449 Américains d’origine japonaise, d’âge moyen de 54 ans, qui ont été suivis jusqu’à leur décès, soit pendant plus de 30 ans, dans le cadre de l’étude sur le vieillissement « Honolulu-Asia ». Les participants devaient notamment donner des informations sur leur comportement alimentaire à l’inclusion dans l’étude.

Un pesticide très présent dans les années 1980

Au cours des autopsies, les médecins ont spécifiquement regardé si les patients avaient un déficit de neurones dans la région de la substance noire, très impliquée dans le développement de la maladie de Parkinson. Une perte de neurones dans cette région peut intervenir plusieurs dizaines d’années avant la survenue des premiers symptômes. Les chercheurs ont également tenté de détecter la présence de résidus d’époxyde d’heptachlore, un pesticide autrefois employé dans la culture de l’ananas qui était présent à de très fortes concentrations dans le lait et les eaux de source hawaïennes au début des années 1980. La production, mise sur le marché ou utilisation de l’heptachlore sont complètement prohibées, y compris dans l’Union européenne depuis 2004.

Les résidus d’époxyde d’heptachlore étaient présents chez 90 % plus de 16 onces de lait par jour (soit plus de 473 ml) contre seulement 63 % de ceux qui ne prenaient pas de lait du tout. Les auteurs reconnaissent qu’ils n’ont pas les moyens d’être certains que le lait consommé contenait bien de l’époxyde d’heptachlore.

Ils rappellent aussi que l’étude ne démontre pas de lien de causalité mais une association entre l’exposition aux pesticides et le risque de maladie de Parkinson. « Il existe plusieurs explications possibles à cette association, y compris le hasard », précisent-ils. Une autre hypothèse pourrait être qu’une consommation excessive de lait en constituerait un facteur facilitateur de la maladie de Parkinson en diminuant la consommation plasmatique en acide urique, connu pour ces propriétés neuroprotectrices dans les modèles animaux.

Effet neuroprotecteur de la cigarette

Les non-fumeurs buvant plus de deux tasses de lait par jour avaient 40 % de neurones en moins au niveau de la substance noire. Cette association ne se vérifiait pas chez les fumeurs ou anciens fumeurs. Les auteurs précisent que cette observation est cohérente avec les résultats d’autres études qui suggéraient que les fumeurs ont un risque diminué de développer la maladie de Parkinson.

« Cette étude est un exemple de la manière dont les études épidémiologiques peuvent contribuer à comprendre les mécanismes derrière la maladie de Parkinson », expliquent dans un éditorial les Dr Honglei Chen (institut national américain des sciences de l’environnement et de la santé) et Karen Marder (Institut Taub de recherche sur la maladie d’Alzheimer et le vieillissement du cerveau, Université de Colombia). « Les futures grandes études sur cette pathologie devront sans doute recueillir des informations sur l’environnement de ses participants », estiment-elles.


Source : lequotidiendumedecin.fr