« Jack l'Eventreur. Affaire classée. Portrait d'un tueur », par Patricia Cornwell

Le tueur de Whitechapel identifié par la romancière

Publié le 07/04/2003
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Livres

Plus de cent ans après les faits et à partir de sa résidence de Virginie du Sud, Patricia Cornwell aurait-elle damné le pion aux as de Scotland Yard ? C'est ce que l'on serait tenté de penser en dévorant avec avidité - et vivacité car la lecture en est aisée - son nouvel opus qui nous entraîne loin de ses fictions habituelles mais reste dans son domaine mortifère de prédilection.

Les lecteurs américains ne s'y sont pas trompés, qui ont été aussi nombreux à acheter ce document qu'une des enquêtes de Kay Scarpetta, ce médecin légiste hors norme et personnage récurrent de plusieurs romans policiers de Patricia Cornwell.
Ainsi donc, en ajoutant « des couches de preuves circonstancielles aux preuves physiques découvertes par la science légale moderne et les cerveaux des spécialistes », se fait-elle fort d'affirmer que Jack the Ripper est Walter Richard Sickert.
Ce n'est pas la première fois qu'un lien est établi entre Sickert et les crimes de Jack l'Eventreur mais jusqu'à présent, cette hypothèse avait été jugée « risible ».
Agé de 28 ans au moment des faits en 1888, Sickert était un homme très séduisant et surdoué, parlant cinq ou six langues et le latin, doté d'une mémoire prodigieuse dont il usait pour briller dans les dîners dont il raffolait car il était fasciné par les personnalités de son temps. Il avait renoncé à une obscure carrière de comédien pour se déclarer peintre et graveur mais il continuait d'utiliser son génie du camouflage vestimentaire et du travestissement de la voix en même temps qu'il usait de multiples pseudonymes.
Qu'est-ce qui a poussé cet homme à devenir le sinistre et insaisissable meurtrier de l'East End ? Patricia Cornwell pense que le catalyseur a pu être le mariage annoncé de son maître le peintre James McNeill Whistler avec Beatrice Godwin : Sickert - qui était marié à une femme plus âgée que lui et était né avec une déformation invalidante du pénis - non seulement détestait les femmes, qu'il jugeait inférieures sur le plan intellectuel et inutiles sauf comme objets à manipuler, notamment pour l'argent, mais il a dû ressentir ce mariage comme un abandon de la part de son mentor qu'il idolâtrait, enviait et haïssait à la fois.
« Il commença alors à exécuter ce qu'il avait imaginé durant la majeure partie de sa vie, pas seulement dans ses pensées, mais aussi dans des croquis d'enfant qui représentaient des femmes kidnappées, attachées et poignardées », note Patricia Cornwell.
Le livre a été publié aux Etats-Unis après quinze mois d'enquête intensive et après que le Deputy Assistant Commissionner John Grieve de Scotland Yard, un des enquêteurs les plus respectés en Grande-Bretagne, lui eut affirmé qu'avec les preuves recueillies aujourd'hui, « nous nous ferions un plaisir de présenter l'affaire devant une cour d'assises ». Affaire à suivre.

Editions des Deux Terres, 460 p., 22,50 euros

Une première éditoriale

Qu'un livre à l'auteur et au thème aussi explosifs soit le premier publié par une nouvelle maison d'édition, n'est pas le fruit du hasard.
Les éditions des Deux Terres ont été créées par Nina Salter, une Américaine qui a fait ses classes dans le groupe Random House, chez Knopf, avant d'entrer chez Albin Michel où, de 1987 à 1994, elle a été directrice du département étranger et à ce poste chargée de toutes les traductions, fictions et non-fictions, soit 60 à 70 titres par an. Elle est ensuite entrée chez Calmann-Lévy où elle était responsable de l'édition d'ouvrages étrangers depuis huit ans. Parmi les best-sellers qu'elle a apporté à la maison, ceux de Joanna Trollope, Ethan Canin, Charles Frazier... et Patricia Cornwell.
Si le prochain roman de l'auteur de « Mort en eaux troubles » paraîtra, vraisemblablement à la fin de l'année, chez Calmann-Lévy, pour le compte duquel Nina Salter l'avait acheté, pour Jack l'Eventreur, « l'auteur était libre, elle a décidé de nous suivre ».
On ne connaît pas le montant de l'a-valoir concédé à Patricia Cornwell mais le tirage de départ de 160 000 exemplaires sent bon le best-seller.
Il est vrai que de son côté, l'auteur n'a pas hésité à investir quelque 6 millions de dollars, notamment pour faire pratiquer de très coûteux tests d'ADN, qui n'ont pas encore tous abouti, pour se déplacer en avion privé afin d'aller vérifier rapidement un fait, pour acquérir quelques-unes des toiles morbides de Sickert ou pour s'entourer d'une équipe d'experts - en plus de la quinzaine de ses collaborateurs salariés habituels...

M. F.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7311