Le vent tourne

Publié le 03/04/2003
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Une polémique, dont le degré de violence ne peut être évalué que si on lit la presse américaine, oppose le secrétaire d'Etat, Donald Rumsfeld, et son état-major d'une part, et d'autre part des officiers américains, soutenus par beaucoup de commentateurs de presse.

Loin d'avoir envisagé toutes les hypothèses, M. Rumsfeld n'en a retenu qu'une : celle d'une guerre éclair, conduite par une troupe relativement peu nombreuse, qui envahirait l'Irak en même temps que l'aviation et l'aéronavale bombarderaient les positions irakiennes. M. Rumsfeld n'a été rebuté ni par le refus de la Turquie de laisser les Etats-Unis ouvrir un front nord, ni par les difficultés de Tony Blair (qui ont conduit le secrétaire d'Etat à envisager de se battre sans les Britanniques qui, pourtant, tiennent aujourd'hui le sud-est de l'Irak), ni par la résistance des Irakiens, alors que, de toute évidence, il comptait sur un effondrement des forces irakiennes.
Il n'en a rien été : la guerre est plus longue, le recours à une puissance de feu accrue a tué beaucoup de civils, il y a eu des morts et des prisonniers chez les Anglo-Américains.
Mais une leçon a été apprise : il faut des moyens très lourds pour s'en prendre à une dictature et M. Rumsfeld ne pourra pas lancer une guerre tous les six mois contre les ennemis réels ou supposés de l'Amérique. Certes, les Etats-Unis conduiront la guerre contre l'Irak jusqu'à son terme. Mais ils réviseront en profondeur une théorie qui consistait à changer par la force divers régimes en place au Proche-Orient et ailleurs.
Conduits à la mêlée par un stratège défaillant, les forces américaines et britanniques n'en livrent pas moins une bataille où, depuis mercredi, elles remportent des succès décisifs. Après avoir passé l'Euphrate, les Américains ont franchi le Tigre. Ils ont pris à partie les divisions de la Garde républicaine dont les effectifs sont les triples du leur. Mais, aidés par l'aviation, ils leur causent des dommages considérables.
Leur arrivée à Bagdad est une question de jours. Saddam Hussein a disparu des écrans de télévision. Les villes qui jalonnent la route de Bagdad sont contournées, puis encerclées. D'un point de vue strictement militaire, il faut admettre que la stratégie si décriée de Rumsfeld commence à porter ses fruits, mais en causant beaucoup de dégâts et de pertes dans le camp irakien, et plus de pertes qu'il n'en était prévu dans le camp américain. Ajoutée à l'absence apparente de Saddam, la libération d'une soldate américaine à Nassiriyah n'a pas manqué de remonter le moral des Américains. Enfin, au nord, les forces irakiennes, confrontées aux peshmergas kurdes, se rendent ou reculent. Plusieurs officiers irakiens faits prisonniers par les Américains auraient admis que le régime de Saddam était fini.
Un revers de fortune n'est pas à exclure et le désespoir de Saddam peut le conduire à utiliser l'arme du dernier recours, après qu'il s'est essayé aux attentats-suicides, qu'il a appelé à la guerre sainte et demandé à des volontaires étrangers de voler à son secours, et qu'il a fait tirer contre l'envahisseur à partir d'une mosquée de Najaf.
En outre, ni Bassorah ni les autres grandes villes ne se sont rendues. Une hypothèse en valant une autre, on doit penser au Pentagone que la reddition de Bagdad, qui sera inconditionnelle, signalera la fin de la résistance et donc des hostilités. On verra bien.

Richard LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7309