La santé et l’école sont en tête des préoccupations des familles, il serait donc logique que cet espace de vie, parfois le seul accès à la santé, soit un lieu propice au repérage des troubles. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), représentant la société civile, s’est saisi du sujet, en auditionnant tous les protagonistes concernés (1).
Une situation alarmante
Nous avons découvert une situation encore plus alarmante que ce que nous imaginions, avec un décalage considérable entre les déclarations administratives et la situation sur le terrain : par exemple, des disparités territoriales quant à la visite médicale obligatoire dès 6 ans et des failles dans tous les dépistages.
En France, 12,5 % des jeunes sont en souffrance psychique ; le Défenseur des droits s’en est alarmé (2), et le Pisa a pointé à son tour le renforcement des inégalités dans notre école ainsi que la persistance d’un haut niveau d’anxiété des élèves, analyse confirmée dans une note du Conseil d’analyse économique (3). Les rapports se succèdent et se ressemblent… Ils suscitent des textes et dispositifs des pouvoirs publics, qui affirment vouloir faire de la santé à l’école une priorité… en théorie. Le dernier exemple en est le « parcours éducatif de santé », hélas inégalement intégré par les établissements. La santé mentale n’a été convoquée qu’à travers une polémique autour de l’apprentissage et des neurosciences (lire aussi p. 5).
Pourtant, puisque 75 % des maladies psychiatriques se déclarent avant l’âge de 25 ans, la prévention pourrait limiter leur apparition ou stopper leur aggravation et ainsi éviter le suicide à des milliers de jeunes.
Des protagonistes mal informés
Parents et enseignants s’accordent à dire que l’école a un rôle à jouer pour détecter et orienter les jeunes qui souffrent de maladies mentales. Pourtant, deux jeunes sur trois ne souhaitent pas en parler avec une personne de leur établissement, en raison du manque de proximité avec le personnel et par peur de la stigmatisation. C’est avant tout vers l’entourage qu’ils se tournent, avant même les professionnels de santé (4).
Trouver le bon interlocuteur – patienter face aux délais de consultation – relève du parcours du combattant, alors que tous les protagonistes sont mal informés. Les parents se plaignent de ne pas être impliqués dans les différentes démarches, alors que cela améliorerait le pronostic évolutif (5). Les enseignants, eux, sont désarmés face à des situations qu’ils méconnaissent, et pour 88 % d’entre eux souhaiteraient être mieux informés. Pour tempérer ces propos, il faut reconnaître qu’il existe de nombreuses initiatives, mais dispersées sur le territoire, et peu visibles.
Changer les mentalités
Le CESE ne pouvait rester indifférent à ces constats. Nous avons préconisé trois axes prioritaires, qui concernent tous les domaines de la santé : l’implication de tous dans les actions de prévention ; le décloisonnement des métiers pour assurer un meilleur climat social dans l’environnement local impliqué sur les questions scolaires ; la valorisation des métiers de la santé scolaire, en leur confiant le recueil de données épidémiologiques (que l’on sait insuffisantes) et en les inscrivant dans la recherche sur l’enfant – parent pauvre de la recherche médicale, et psychiatrique encore plus. Ce dispositif devra être évalué.
Ces préconisations, présentées comme des impératifs, ont été reprises par les deux ministères de tutelle. Il faut maintenant qu’elles soient respectées, car l’urgence ne tolère plus qu’elles ne restent qu’une déclaration d’intention.
Les rapports se succèdent et se ressemblent
Psychiatre, membre du Conseil économique, social et environnemental, coautrice du rapport (1) https://www.lecese.fr/travaux-publies/pour-des-eleves-en-meilleure-sante (2) https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2018/09/rapport-denoc-sur… (3) https://documentation.onisep.fr/index.php?lvl=notice_display&id=89268 (4) https://www.fondationpierredeniker.org/sondage (5) Bouvet de la Maisonneuve (F.). Enfants et parents en souffrance. Odile Jacob, 2014
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