Les années sécheresse

«  UN SUJET ÂGÉ peut gravement se dégrader et parfois mourir des conséquences d’une bouche sèche », explique au « Quotidien » le Dr Daniel Nebot, odontologiste à l’hôpital Bretonneau et maître de conférences à la Faculté de chirurgie dentaire Paris Descartes. «  L’hyposialie chronique est à l’origine de graves problèmes bucco-dentaires. Certains patients âgés décèdent des suites de malnutrition et d’isolement social, et non pas de leurs pathologies organiques. Ce n’est pas pour rien qu’une unité fonctionnelle d’odontologie gériatrique vient d’ouvrir ses portes dans notre établissement à l’initiative du Pr Danielle Buch ».

Hygiène dentaire.

Plusieurs facteurs concourent au mauvais état bucco-dentaire des sujets âgés : mauvaise hygiène, tartre, caries abondantes, alimentation acide, déshydratation, candidose. Pour chacun d‘entre eux, la sécheresse buccale est un facteur aggravant voire causal. Les personnes âgées dépendantes et démentes sont plus vulnérables, même si le problème existe également chez les sujets autonomes. «  L’hygiène dentaire est primordiale, poursuit le Dr Nebot. Bien entendu, il s’agit du brossage des dents, régulier et pluriquotidien. Mais attention avec une brosse à dents à poils souples. Des bains de bouche au fluor sont conseillés également. La salive artificielle peut rendre des services en cas de xérostomie, de même que les sécrétagogue. Le détartrage régulier est un élément important. Bien entendu il faut consulter un chirurgien-dentiste dès la moindre alerte ». Un conseil de bon sens bien difficile à appliquer aux personnes démentes. «  Hormis dans les formes débutantes, on ne peut pas effectuer les soins en cabinet, explique l’odontologiste. C’est vrai y compris pour le détartrage, qui est agressif par ultrasons. C’est pourquoi à l’hôpital Bretonneau, nous avons mis en place un équipement mobile permettant un détartrage au chevet de la personne âgée, plus « artisanal », certes, mais plus doux. Nous avons d’ailleurs signé une convention avec trois établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Paris ».

Candidoses.

De nombreux patients ne portent pas leurs prothèses dentaires amovibles. « Or, les dents restantes s’abîment sans la prothèse, explique le Dr Nebot. Comme il faut soigner voire extraire des dents, en théorie, il faudrait refaire une nouvelle prothèse. Ce n’est pas possible pour les sujets très dépendants, alors on " bricole ". Dans certaines situations, il est possible de réparer les prothèses par " rebasage ". Cette technique consiste à rendre la prothèse plus stable en rajoutant une résine spéciale à l’intérieur de la prothèse. »

Les pathologies des muqueuses sont favorisées par la sécheresse buccale. « Il peut s’agir de candidoses au niveau de la langue, de perlèche aux commissures des lèvres, de leucoplasies plus inquiétantes. L’examen de la cavité buccale peut parfois révéler certains cancers ORL. Sans compter que la mauvaise haleine, l’halitose, est parfois très prononcée. Il faut porter des masques pour l’examen. Un patient m’a confié l’autre jour ne plus manger, sans l’avoir jamais signalé auparavant " je n’ose pas parler, car quand je parle, ça sent mauvais " . »

Les problèmes d’alimentation concernent de la même façon les sujets autonomes et dépendants. Comme l’hyposialie s’accompagne d’une perte de goût, les personnes âgées mangent de moins en moins et prennent de mauvaises habitudes alimentaires visant à augmenter la sécrétion salivaire : sucreries et aliments acides. «  C’est le cercle vicieux. La consommation sucrée favorise la survenue de caries. De plus, l’action chimique abrasive des aliments acides entraîne des lésions cervicales d’usure. On retrouve le même type d’érosions à la base des racines chez les sujets ayant utilisé des brosses à dents à poils durs », explique l’odontologiste. Des produits mixés permettent de contourner les difficultés liées à l’édentation et maintenir un équilibre alimentaire.