Les cellules tumorales circulantes, un outil pour mieux traiter les cancers du sein métastatiques

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Publié le 18/12/2018

La quantité de cellules tumorales circulantes (CTC) est un élément pronostique de la maladie. Mais est-ce que cette information peut être utilisée pour améliorer la prise en charge du cancer du sein ? La démonstration en a été faite pour la première fois dans la maladie métastatique au congrès du cancer du sein à San Antonio les 4 au 8 décembre 2018.

Deux oncologues de l'Institut Curie, les Prs François-Clément Bidard et Jean-Yves Pierga, ont présenté les premiers résultats de l'essai STIC CTC, un essai de phase 3 mené chez 778 patientes dans une quinzaine d'hôpitaux français avec le soutien de l'Institut national du cancer (INCa). La publication est attendue courant 2019.

Hormonothérapie ou chimiothérapie

« L'objectif de l'étude était de savoir si les CTC permettent d'éclairer le choix entre hormonothérapie et chimiothérapie en 1re ligne métastatique d'un cancer hormonosensible RO+HER2-, explique au « Quotidien » le Pr Jean-Yves Pierga, chef du département oncologie médicale. L'hormonothérapie est mieux tolérée mais la réponse est plus lente, quand la chimiothérapie est plus rapide mais avec des effets secondaires. » 

Un dosage des CTC était réalisé chez l'ensemble des participantes. Cet essai randomisé a comparé un bras où la décision était prise sur le seul paramètre des CTC à un bras où la décision l'était sur les éléments habituels. « Le bon sens clinique repose sur des critères nombreux et non standardisés, par exemple le nombre de métastases ou la rapidité de prolifération », indique l'oncologue. Avec 30 mois de suivi en médiane, l'étude française donne des résultats sur la survie sans progression, « mais pas encore sur la survie globale », précise Jean-Yves Pierga.

Rattraper des patientes sous-traitées

Pour trois quarts des patientes incluses, il s'agissait d'une récidive d'un cancer déjà traité, et pour le dernier quart d'une découverte au stade métastatique. « Le seuil pronostique d'un risque plus élevé est de 5 cellules par tube prélevé, explique Jean-Yves Pierga. C'est le seuil retenu par Cellsearch et pour le cancer du sein, ce n'est pas le même selon les techniques et les types de cancer. »

Dans le groupe décision sur les CTC, si le seuil était inférieur à 5 cellules/tube, la maladie était considérée comme moins agressive et la patiente était traitée par hormonothérapie. Si le seuil était supérieur à 5 cellules/tube, la maladie était à l'inverse considérée comme plus agressive, la patiente était traitée par chimiothérapie.

Au final, la survie sans progression était identique dans les deux groupes. « Dans la majorité des cas, le dosage des CTC confirmait la décision qui aurait été prise sur la clinique, explique Jean-Yves Pierga. La méthode permet en revanche dans les cas discordants de rattraper des patientes qui auraient été sous-traitées par hormonothérapie sur la clinique seule. C'est une petite surprise, on s'attendait plutôt à ce que le dosage des CTC permette une désescalade. »

Un paysage complexe en mutation

Les auteurs plaident pour un dosage des CTC à l'ensemble des patientes, même si une récente stratégie de traitement dans l'indication rebat un peu les cartes. « L'hormonothérapie a évolué ces toutes dernières années, poursuit Jean-Yves Pierga. L'association aux antiCDK la rend plus efficace. » 

La technique Cellsearch n'est pas la seule pour détecter les CTC, d'autres existent, notamment la méthode française ISET exploitées par deux sociétés (Screencell et Rarecell). « La méthode ISET repose sur la détection des cellules tumorales à l'aide d'un filtre, les cellules tumorales étant plus grosses que les cellules normales, explique Jean-Yves Pierga. La méthode Cellsearch présente l'avantage d'être standardisée et reproductible. »

Alors que le paysage des tests biologiques innovants et personnalisés se complexifie, une analyse médico-économique est en cours pour l'intérêt du dosage des CTC dans le cancer du sein métastatique. « Le coût de l'analyse est d'environ 500 euros, explique Jean-Yves Pierga. Par comparaison, celui des nouveaux tests génomiques, comme Oncotype ou Mammaprint, est compris dans une fourchette allant de 1 500 à 3 000 euros. Quant au séquençage de la tumeur, l'utilité clinique n'est pas encore démontrée dans le cancer du sein. »

 

 

 


Source : lequotidiendumedecin.fr