Les écarts de taux de césariennes accouchent d’une polémique

EN FRANCE, une femme sur cinq donne naissance par césarienne. Un taux qui varie considérablement selon le profil des femmes, la maternité, la région, et les pratiques médicales elles-mêmes. La demande des patientes ou le confort des équipes ne suffisent pas à expliquer ces disparités.

Comment débusquer les césariennes injustifiées ? À la demande de l’assurance-maladie et de la DGOS, la Haute autorité de santé (HAS) a énuméré les bonnes pratiques*. Sont notamment recommandées les césariennes programmées pour les bébés de plus de 5 kg (entre 4,5 et 5 kg, il faut en discuter « au cas par cas ») et les femmes coïnfectées par le VHC et le VIH (mais pas en cas de monoinfection VHC). Un utérus cicatriciel n’est pas en soi une indication de césarienne programmée. Pas plus que la demande maternelle : « Il est recommandé de rechercher les raisons spécifiques à cette demande, de les discuter et de les rapporter dans le dossier médical », précisent les experts de la HAS.

La CNAM épinglée.

Cette fiche de recommandation - l’une des 70 rédigées à ce jour par la HAS - date de janvier 2012. Quelle est son incidence en salle d’accouchement ? Il est sans doute trop tôt pour le dire. La Haute autorité elle-même considère qu’il faut aller plus loin, en s’interrogeant « sur les critères d’évaluation les plus pertinents ».

Le sujet, depuis plusieurs années, oppose hôpitaux publics et cliniques privées. Chaque secteur se pose en garant des bonnes pratiques. S’appuyant sur des données compilées par ses soins (voir graphique), la Fédération hospitalière de France (FHF) reproche au secteur commercial de pratiquer des césariennes abusives.

Un débat sur la pertinence des actes a été organisé lors des états généraux des infections nosocomiales. Gérard Vincent, délégué général de la FHF, a épinglé la CNAM pour sa frilosité à mener des contrôles ciblés : « Le taux de césariennes varie de 12 % à 38 % selon les endroits. Si l’assurance-maladie faisait son travail, on n’en serait pas là! ». Toute à sa volonté de « ne pas faire de vagues avec les syndicats médicaux », la CNAM ne joue pas son rôle, accuse Gérard Vincent, persuadé que le dossier stagnera « sans volonté politique ».

Culture des soignants.

Aux yeux du président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), les pratiques, au contraire, sont « surcontrôlées ». « Depuis 25 ans, illustre Jean-Loup Durousset, des médecins conseils viennent dans les établissements et récusent tel acte inutile ». Il admet cependant que le débat sur les césariennes est loin d’être clos. Malgré ses efforts pour limiter les césariennes, la France n’affiche pas un bon taux de mortalité maternelle et infantile comparée au reste de l’Europe. « Quelle est la technique la moins risquée pour la mère et l’enfant ? C’est à cette question que doit répondre la HAS », déclare le président de la FHP.

La HAS poursuit la réflexion. Son programme lancé auprès de 180 maternités se heurte à la culture des soignants. « Les équipes ont du mal à faire la part entre l’amélioration des pratiques et les contrôles », expose le Pr Jean-François Thébaut, membre du collège de la Haute autorité.

Claude Rambaud, la présidente du LIEN (association d’information et d’aide aux victimes d’infections nosocomiales et d’accidents médicaux), déplore que les usagers n’aient pas été associés d’emblée au groupe de travail mis sur pied par le ministère sur la pertinence des actes. À ses yeux, une vaste réflexion doit être engagée en France autour des actes inutiles, potentiellement sources d’infection. Le LIEN multiplie les rencontres avec des experts. Sa présidente affirme que 30 % des endoscopies digestives et 80 % des interventions sur le rachis ne sont pas pertinentes.

* La fiche de recommandation est en ligne http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2012-03/ind…