Exit la notion de « médecine personnalisée »

Les exigences de la HAS sur les thérapies ciblées

Publié le 14/04/2014
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Crédit photo : PHANIE

Ainsi définie, la « thérapie ciblée » est un traitement n’apportant de bénéfices que chez certains patients identifiés par un « marqueur prédictif » déterminé par un « test diagnostique compagnon », ce qui nécessite pour la comprendre, d’entrer dans un champ lexical relativement nouveau et parfois redondant. Est d’emblée exclu le terme de « médecine personnalisée », erroné, car la médecine ciblée est non individuelle et s’adresse à des populations.

Le « test compagnon » ou test diagnostique « compagnon d’utilisation de l’administration du traitement » permet de sélectionner, en fonction de leur statut pour un « marqueur prédictif » identifié par ce test, uniquement les patients chez les lesquels le traitement est susceptible d’apporter un bénéfice.

Le « marqueur prédictif » doit être « un modificateur de l’effet » d’un traitement ; la sélection des patients par le marqueur prédictif (donc le test diagnostique) doit avoir démontré son utilité en clinique. Le marqueur est binaire.

En oncologie, de plus en plus de médicaments ont une AMM restreinte à un sous-groupe comme le vemurafenib indiqué chez les patients atteints d’un mélanome métastatique avec mutation de BRAF [patients BRAF (+)].

Risque de perte de chance

Or, l’histoire des essais cliniques post-hoc prouve que ces conditions ne sont pas toujours réunies et la HAS dispose dorénavant d’un certain recul. Certaines thérapies dites « thérapies ciblées » n’en sont pas, en particulier, parce que le traitement est efficace chez des patients négatifs pour le marqueur prédictif. C’est le cas du cetuximab, un anticorps monoclonal synthétisé pour « cibler » le récepteur EGFR détecté dans 70 à 85 % des cancers colorectaux. Selon l’analyse post-hoc, près de 25 % des patients atteints d’un cancer colorectal métastatique « EGF négatif » répondent au cetuximab. La HAS estime donc dorénavant que l’absence d’efficacité du traitement chez les patients négatifs pour le marqueur doit être cliniquement prouvée pour attester de la réalité in vivo du ciblage. Le risque d’accepter un ciblage à tort d’un nouveau traitement aurait pour conséquence directe une perte de chance pour ces patients.

Autre exemple : la thérapie ciblée n’a pas une cible moléculaire unique. Le crizotinib utilisé en tant qu’inhibiteur de tyrosine kinase, donc ciblant le RTK dans le cancers du poumon non à petites cellules, inhibe aussi le RTK du facteur de croissance des hépatocytes également impliqué dans les processus oncogéniques.

De fait, le concept de ciblage est un peu bousculé : il ne s’agit plus uniquement de démontrer l’interaction du médicament avec sa cible moléculaire, mais d’élargir le concept de caractère ciblé à la notion plus générale de marqueur prédictif, avec une condition sine qua non, celle de démontrer l’absence d’efficacité du traitement « ciblé » chez les patients négatifs pour le marqueur.

Guide méthodologique associé à une thérapie ciblée : définitions et méthodes d’évaluation. HAS février 2014.

Dr Anne Teyssédou

Source : Le Quotidien du Médecin: 9318