Les nouvelles cibles thérapeutiques de l'obésité

Publié le 03/01/2001
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D EUX gènes, GATA-2 et GATA-3 appartenant à la famille GATA des facteurs de transcription sont exprimés dans le tissu adipeux, essentiellement dans le tissu adipeux blanc (ce tissu qui stocke l'excédent d'énergie sous forme de triglycérides et libère les acides gras libres en situation de déficit calorique). C'est ce qu'ont montré Tong et coll. (Harvard School of Public Health, Boston) qui ont étudié l'expression de ces deux gènes dans les tissus adipeux de la souris, en démontrant notamment que GATA-2 et GATA-3 sont exprimés dans les précurseurs des adipocytes (préadipocytes) et que l'inhibition de ces deux gènes favorise la différenciation terminale des préadipocytes en adipocytes. En revanche, cette différenciation est supprimée dans le cas de l'expression forcée (ou constitutive) de GATA-2 et GATA-3 dans les préadipocytes qui piègent les cellules au stade préadipocytaire. Ce qui a posé la question de savoir si un excès d'adiposité peut être liée à des anomalies d'expression ou de fonction de ces gènes ? Tong et coll. ont alors découvert une diminution importante de l'expression adipeuse de GATA-2 et GATA-3 dans quatre modèles génétiques indépendants d'obésité murine. Ces deux gènes sont donc considérés comme des gènes du préadipocyte freinant sa transition en adipocyte. Or on sait que chez les mammifères, seule une partie du pool des préadipocytes est utilisée pour se différencier en adipocytes, l'autre partie restant quiescente. Mais ces cellules vont se différencier en adipocytes dans des situations de déséquilibre entre l'apport et la dépense énergétique. Autrement dit, l'échec de ces points de contrôle pourrait entraîner un accroissement de l'adiposité et une tendance à l'obésité. C'est en ce sens que GATA-2 et GATA-3 pourraient servir de cibles potentielles pour le traitement des lipodystrophies et de l'obésité.

L'inhibition de la synthèse des triglycérides

Toujours chez la souris, Smith et coll. ont montré l'existence de plusieurs mécanismes intervenant dans la synthèse des triglycérides. Ils suggèrent l'intérêt, pour le traitement de l'obésité, d'inhiber sélectivement la synthèse des triglycérides médiée par le gène DGAT (acylcoA : diacylglycérol transférase). Explication : ces auteurs ont en effet découvert que les souris ayant une déficience en enzyme DGAT, jusqu'alors considérée comme indispensable pour la formation du tissu adipeux et pour la survie, avaient la capacité de vivre, de continuer à synthétiser des triglycérides et d'avoir une masse adipeuse normale. Autrement dit, d'autres enzymes contribuent à la synthèse des triglycérides. Néanmoins, cette étude montre que les souris ayant une déficience en DGAT résistent à l'induction d'une obésité par une alimentation riche en graisses.
En conséquence, Smith et coll. suggèrent que l'inhibition sélective de la synthèse des triglycérides médiée par le gène DGAT pourrait constituer une nouvelle voie thérapeutique de l'obésité.

L'inhibition du neuropeptide Y

Une autre découverte, tout aussi intéressante, est la mise en évidence chez la souris d'un inhibiteur synthétique (C 75) d'une enzyme responsable de la synthèse des acides gras (FAS pour Fatty Acid Synthase). L'utilisation de cet inhibiteur C 75 (qui a la propriété de bloquer la production du neuropeptide Y dans le cerveau et agit indépendamment de la leptine) a permis d'identifier une voie majeure dans le cerveau, utilisée naturellement par l'organisme, pour réguler l'appétit de la souris. Reste à savoir si cet effet de C 75 est identique chez l'homme. Le C 75 est une molécule issue de la famille des butyrolactones, composé synthétique visant à inhiber l'enzyme FAS, appelée également synthase des acides gras, qui catalyse leur synthèse.
Les auteurs ont étudié in vivo (chez la souris) les conséquences de l'inhibition de la synthèse des acides gras sur le métabolisme lipidique global. L'injection intrapéritonéale de 7,5 à 30 mg/kg de C 75 a entraîné un amaigrissement considérable (jusqu'à 30 % du poids avec la dose la plus élevée), avec un effet réversible à l'arrêt du traitement et sans toxicité apparente.
Cette perte de poids s'explique par une réduction de l'alimentation, de plus de 90 % dans les premières heures pour s'amenuiser après 48 à 72 heures. En outre, cette perte de poids est beaucoup plus importante (supérieure de 45 %) chez les souris traitées par C 75 que chez les souris non traitées en état de jeûne. On sait que le jeûne entraîne un ralentissement du métabolisme au bout de quelques jours par un mécanisme de survie, et c'est ce qui se passe chez les souris qui jeûnent alors que le métabolisme des souris traitées par C 75 ne se ralentit pas. En conséquence, les auteurs suggèrent que le traitement par C 75 permet de réduire l'alimentation et de maintenir une utilisation normale de l'énergie.
Une autre observation importante de cette étude est l'effet du C 75 sur le neuropeptide Y (NPY), localisé dans l'hypothalamus. Ce neuropeptide NPY est régulé par l'adiposité et l'alimentation et il intervient dans le contrôle de l'appétit et l'utilisation de l'énergie (le jeûne stimule la production de NPY, ce qui accentue la faim). Alors que la production de NPY est stimulée chez les souris qui jeûnent, elle se révèle encore plus faible chez les souris traitées par C 75 (et ce malgré le jeûne) que chez des souris normalement alimentées. Selon les auteurs, il semble que C 75 déclenche artificiellement la baisse de l'appétit (réponse habituelle à l'excès d'aliments) en diminuant le NPY.
L'enzyme FAS qui intervient dans la synthèse des acides gras pourrait donc représenter une cible thérapeutique dans l'objectif d'un contrôle de l'appétit et du poids corporel.

(1) « Science », 6 octobre 2000. p. 134.
(2) « Nature Genetics », mai 2000, pp. 6-7.
(3) « Science », 30 juin 2000. p. 2, 379.

Dr Martine ANDRÉ

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6828