Droit de substitution, renouvellement d’ordonnances, consultations, poles. ..

Les pharmaciens veulent être des praticiens de santé

Publié le 24/03/2009
Article réservé aux abonnés

« Les pharmaciens constituent des postes avancés de santé publique », avait assuré, un brin théâtral, Jean Parrot, président du conseil national de l’Ordre des pharmaciens, lors de la conférence inaugurale du salon du MEDEC. Mais au-delà de la formule, force est de constater que les pharmaciens n’ont cessé de voir leurs missions s’étendre depuis 1999, date à partir de laquelle ils ont obtenu le droit de substitution, au grand dam parfois de certains médecins peu soucieux de voir les pharmaciens revisiter leurs prescriptions.

Depuis, la liste est longue des nouvelles missions que les pharmaciens ont obtenues, ou se sont attribués. C’est ainsi que les pharmaciens sont désormais habilités à renouveler une fois une ordonnance pour des patients en affection chronique. De la même manière, ils sont autorisés à dispenser sans ordonnance à des mineures la « pilule du lendemain ». Enfin, plus récemment, il leur est devenu possible de vendre en libre accès un certain nombre de spécialités vendues sans ordonnance. Un pharmacien indique ainsi au « Quotidien » qu’il voit dans cette disposition « le début de la prise en charge directe par le pharmacien d’un certain nombre de pathologies, sans passer par le médecin ».

Sans parler de ces initiatives mal vécues par les médecins, comme la « consultation pharmaceutique », proposée par la mutuelle MTRL, payée au tarif du « C », et pouvant déboucher sur une proposition de vente de médicaments homéopathiques. Ou encore cette initiative du groupement de pharmacien GIPHAR qui proposait au début de l’année « un traitement personnalisé pour ma santé ». Une prestation gratuite censée « garantir un traitement personnalisé, une posologie adaptée, et une absence de contre-indications et d’interactions médicamenteuses ». Et la donne devrait encore évoluer car la loi HPST, que

l’Assemblée nationale vient d’adopter et qui sera discutée par les sénateurs à partir du 12 mai, inscrit dans le code de santé publique les missions du pharmacien d’officine, et en ajoute de nouvelles, comme l’éducation thérapeutique ou l’adaptation de la posologie (voir ci-contre).

Des pôles de santé

Côté officinaux, certains veulent presser le mouvement, s’impatientent et rapidement avancer. Comme Lucien Bennatan, président du groupe PHR qui réunit environ 2 500 pharmacies d’officine. Pour lui, « ou bien les pharmaciens restent ce qu’ils sont aujourd’hui, c’est-à-dire des commerçants, et ils ne seront pas longtemps crédibles face à Michel-Edouard Leclerc, ou bien ils se repositionnent comme acteur de santé pivot du premier recours. La tectonique des plaques des acteurs de santé est en train de bouger ». Lucien Bennatan propose ainsi ni plus ni moins de « faire des officines des pôles de santé » en y faisant travaillerdes diététiciens, et des infirmiers qui pourraient notamment réaliser les injections dès le vaccin acheté: « Rien ne l’interdit, et nous allons prochainement lancer une expérimentation dans ce sens en Normandie » assure-t-il.

Mais côté syndical, on tempère quelque peu ces ardeurs. Pour Philippe Gaertner, président de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France), s’il est légitime de vouloir « réorienter le pharmacien dans sa logique de professionnel de santé, il ne faut pas agiter le chiffon rouge devant les médecins ». Philippe Gaertner concède bien que la loi HPST donne de nouvelles missions au pharmacien, « mais dans un cadre protocolisé et partagé avec le médecin ».

Côté médecins précisément, on s’interroge devant ces initiatives. Le Dr Didier Fontanel, généraliste à Clamart dans les Hauts-de-Seine se dit « très perplexe face à cette volonté d’embaucher des para-médicaux à l’officine ». Non qu’il y voit une volonté des pharmaciens d’empiéter sur le rôle des autres professionnels de santé, mais il juge qu’ « il faudra que les patients payent ces prestations pour que le pharmacien puisse payer lui-même ces auxiliaires médicaux. Je ne suis pas persuadé que les gens se laisseront faire ». Quant au Dr André Deseur, délégué général à la communication du Conseil national de l’Ordre des médecins, (CNOM), il laisse poindre l’ironie dans son commentaire : « Tant qu’ils y sont, les pharmaciens devraient également employer un psychologue pour les patients hypocondriaques, et un médecin salarié pour rédiger sur le champ les ordonnances qui pourraient faire défaut aux clients de la pharmacie». Plus sérieusement, le Dr Deseur évoque aussi certaines « pseudo-ordonnances » rédigées par des pharmaciens pour des spécialités non remboursables. « Elles posent, dit-il, le problème de savoir comment on peut conseiller un traitement sans possibilité d’examiner le patient ». et le conseiller ordinal d’indiquer que, face à ces initiatives de pharmaciens, « l’Ordre des médecins aller se rapprocher de l’ordre des pharmaciens pour délimiter les compétences et les responsabilités de chacun ; les velléités commerciales ne doivent pas mettre en péril la santé publique ».

 HENRI DE SAINT ROMAN

Source : lequotidiendumedecin.fr