Thérapies cellulaires

Les pistes potentielles

Publié le 07/04/2015
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Les CSM peuvent être cultivées et utilisées en injections locales pour refaire du tissu articulaire

Les CSM peuvent être cultivées et utilisées en injections locales pour refaire du tissu articulaire
Crédit photo : PHANIE

Sur quels arguments développer la piste de la thérapie cellulaire ? « Elle a potentiellement deux intérêts majeurs. Le premier est mécanistique : d’une part elle permet une régénération tissulaire grâce à la différentiation et d’autre part les cellules injectées sécrètent des facteurs stimulants la croissance qui augmentent la trophicité. Le deuxième intérêt est dynamique. La sécrétion des cellules injectées (facteurs de croissance, médiateurs de l’inflammation) varie selon l’importance des lésions tissulaires et de l’inflammation. Qu’elle utilise des chondrocytes, des cellules progénitrices mésenchymateuses ou des cellules pluripotentes induites reprogrammées (iPS), la thérapie cellulaire s’autorégule pour s’adapter à l’environnement à la différence des autres traitements » explique le Pr Christian Jorgensen.

Les chondrocytes

Les essais avec des chondrocytes du malade ne sont pas probants. Ces cellules sont âgées. Les développements se poursuivent néanmoins avec des biomatériaux (implantation articulaire de chondrocytes cultivés sur matrices de biomatériaux, Société Fidia, Italie).

Les iPS

Des fibroblastes sont reprogrammés en cellules pluripotentes (des virus introduisent 4 facteurs de croissance) puis on relance la différenciation en chondrocytes. « Les iPS sont aujourd’hui du domaine de la recherche physiopathologique. Leur intérêt clinique potentiel est important car ce sont des cellules très immatures avec un potentiel de pluripotence » précise le Pr Christian Jorgensen.

Les cellules mésenchymateuses (CSM)

Issues de la moelle osseuse, des adipocytes, du placenta, de la pulpe dentaire ou du sang de cordon, les CSM peuvent être cultivées et utilisées en injections locales pour refaire du tissu articulaire.

Le Pr Christian Jorgensen coordonne le programme ADIPOA sur des CSM du tissu adipeux. Les études portent sur la gonarthrose primitive unilatérale, inflammatoire modérée à sévère du sujet de 45 à 75 ans sans antécédents chirurgicaux.

Une étude de phase I (18 patients, moyenne d’âge 55 ans) sur 6 mois a donné des résultats satisfaisants (chez 80 % des patients, sans effets secondaires), que confortent les résultats d’une étude similaire de phase I en Corée (1), également sur 18 patients. Le Pr Jorgensen indique qu’une phase II débute en double aveugle contre placebo (150 patients, 10 centres européens). Elle prévoit d’étudier l’efficacité sur 3 ans et le bénéfice structural sur 2 ans.

Les techniques avec CSM allogéniques (donneur différent du receveur) sont les plus avancées. Elles utilisent des CSM issues de moelle osseuse ou du sang de cordon.

Dans l’arthrose intervertébrale, le programme MESODISC utilise des CSM de moelle osseuse allogéniques (en Espagne, bientôt dans d’autres pays européens).

Dans la gonarthrose, une étude utilisant des CSM de moelle osseuse allogéniques en Espagne « donne des résultats comparables à ceux des études avec CSM autologues. Aucun rejet lié à l’allogénicité n’est observé » précise le Pr Christian Jorgensen.

La société Medipost a eu l’AMM de la FDA de Corée en 2 012 pour des CSM issues de sang de cordon, isolées après banking (Cartistem®, flacons de 2 millions de cellules à injecter en intra-articulaire, 5 000 USD le flacon). « Une étude (2) randomisée versus mosaïcoplastie sur 50 patients a donné des résultats intéressants. A ce jour, 1 500 patients ont été traités avec de très bons résultats. Les cellules sont jeunes (sang de cordon) et la technique économiquement viable (un lot congelé permet de traiter des milliers de patients). Cependant, note le Pr Christian Jorgensen, avant d’espérer obtenir une AMM en Europe ou aux USA, des études plus importantes en double aveugle contre placebo ou contrôle (par exemple l’acide hyaluronique) et avec un recul de 2 ans seront nécessaires ».

D’après un entretien avec le Pr Christian Jorgensen, CHU de Montpellier, Directeur IRMB, unité Inserm U1183.

(1) Koh YG et al Arthroscopy 2 013 ; 29 (4) : 748-55

(2) Saw KY, et al. Arthroscopy 2 013 ; 29 : 684-694

Dr Sophie Parienté

Source : Bilan spécialiste