Les trois rapporteurs - Denis Debrosse, le Dr Antoine Perrin et le Pr Guy Vallencien - du groupe projet sur « la modernisation des statuts de l'hôpital public et de sa gestion sociale » pensent avoir « convaincu Jean-François Mattei sur la globalité de (leurs) propositions ».
Pas surprenant, car, en fait, ils reprennent directement le plan Hôpital 2007 lorsqu'ils conseillent d'assouplir le code des marchés publics, de lancer la tarification à l'activité et de développer la contractualisation interne. Pas surprenant non plus, le commentaire de Jean-François Mattei, qui a jugé le document « riche d'enseignements ». Le ministre a annoncé dans un communiqué que « des "pionniers" du secteur hospitalier » pourraient « s'engager dans la réforme de l'organisation interne, sans attendre la parution des textes ». Les rapporteurs pensent effectivement utile qu' « une trentaine d'établissements, valorisés et accompagnés en ce sens, prennent à bras le corps le plan Hôpital 2007, qui est un chantier redoutable ». L'idée : faire se dégager des idées du terrain pour adapter les réformes et inciter les autres établissements à suivre le mouvement. Sans cela, croient Denis Debrosse, Antoine Perrin et Guy Vallencien, « les hospitaliers ne mordront pas car ils en ont assez des réformes ».
Le scénario n'est pas si simple, jugent les syndicats de praticiens. Mise à part la Coordination médicale hospitalière (CMH), qui attend les décisions du ministre pour réagir, les autres organisations se disent déçues par le contenu du rapport. Le Syndicat des médecins des hôpitaux publics (SNAM-HP) redoute que l'introduction de personnel médical sous contrat privé à l'hôpital conduise à sa privatisation. La présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), le Dr Rachel Bocher, s'attendait, quant à elle, « à des mesures d'envergure, des idées neuves ». « Mais je ne vois rien de nouveau dans ce rapport. Rien qui résolve la crise morale à l'hôpital. Rien sur la place, les missions, la responsabilité des acteurs. Rien sur l'Assistance publique, rien sur les liens hôpital-ville-université. » Tout comme Rachel Bocher, le Dr Pierre Faraggi, qui préside la Confédération des hôpitaux généraux (CHG), voit plus de « dérapages » que d'aspects positifs dans ce rapport. « Il a tout faux en ce qui concerne l'organisation interne de l'hôpital », dit Pierre Faraggi, qui dénonce un schéma débouchant sur « une mainmise complète du corps des directeurs sur toutes les initiatives à l'hôpital ». Le président de la CHG refuse que le directeur nomme les chefs de pôle - « le directeur n'a pas compétence pour choisir ses médecins » - et s'oppose à la création d'un comité stratégique, qui « laisse peu de choses à la CME ». Même impression chez Rachel Bocher, qui trouve inadmissible de voir la CME « réduite à peau de chagrin ».
Pourtant, pour un des rapporteurs, le Dr Antoine Perrin, « il ne s'agit pas de marginaliser la CME mais de changer des choses dans le rôle de chaque instance de l'hôpital ». « Dans notre projet, détaille-t-il, la CME a un rôle essentiel dans le projet médical, la pensée médicale, la formation médicale continue... Que se passe-t-il aujourd'hui ? La CME est complètement polluée par toute la charge que représente pour elle la nomination des praticiens, alors que, dans les faits, ce sont les chefs de service qui donnent leur avis - ce qui nous pousse à dire "donnons leur effectivement ce rôle-là, laissons les chefs de pôle, avec les directeurs, rendre un avis officiel". » Pour mieux rassurer les praticiens, Antoine Perrin ajoute que le comité stratégique sera composé pour moitié de médecins issus de la CME. « Indirectement, donc, le directeur ne pourra pas faire de la stratégie sans la CME. »
Ces précisions ne calment pas l'inquiétude des syndicats, qui leur préfèrent la vision « plus équilibrée entre les médecins et les directeurs » présentée par le rapport Couanau. « Ce montage (celui du rapport Vallencien, NDLR) totalement irrecevable va nous motiver très fortement pour des mouvements de grande ampleur si notre ministre souhaitait faire sienne cette approche antimédicale », a écrit Pierre Faraggi aux membres de la CHG. Le psychiatre dit avoir eu beaucoup de retours à ce courrier : « Ça réagit très fort, les médecins sont irrités par ces propositions. »
S'il tient son calendrier, Jean-François Mattei recevra les organisations syndicales d'ici à la fin d'avril pour de nouvelles concertations. Il présentera au cours du mois de mai ses orientations définitives, précise le communiqué du ministère.
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