Attentats de janvier 2015

L'étude IMPACTS révèle la souffrance des endeuillés et témoins

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Publié le 20/02/2017
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Crédit photo : AFP

Six mois après les attentats de janvier 2015, près de 4 personnes sur 10 présentaient au moins un trouble psychique : un stress post-traumatique (ESPT) pour 18 %, une dépression caractérisée chez 20 % et des troubles anxieux chez 30 %, dévoile l'étude IMPACTS*, conduite auprès de 190 civils et 232 intervenants.

Les personnes directement menacées sont les plus bouleversées : 31 % présentent un ESPT, 19 % une dépression, 32,8 % un risque suicidaire non nul, et 38 % au moins un trouble anxieux.

Expression somatique

Les endeuillés et les témoins, inclus grâce à une méthodologie pro-active inédite, se révèlent être des populations également très vulnérables (même si la petite taille de l'échantillon invite à la prudence). La prévalence des ESPT chez les endeuillés est de 35,7 % et de 12,2 % chez les témoins.

Ils sont aussi près de 30 % à présenter au moins un trouble anxieux, en particulier, l'agoraphobie, puis de la phobie sociale et de l'anxiété « sans oublier un fort retentissement sur leur qualité de vie, professionnelle et sociale » souligne le Dr Stéphanie Vandentorren, co-auteur de l'étude (SPF). « Les endeuillés ont à affronter le trauma, mais aussi la douleur de la perte et du deuil », souligne le Pr Thierry Baubet (INSERM, Paris 13, AP-HP).

La souffrance se traduit dans les corps. Près d'un quart des civils a consulté pour des troubles du sommeil, ostéoarticulaires, cardiovasculaires et dermatologiques, qu'ils reliaient aux attentats et 22 % disent avoir augmenté leur consommation d'alcool, de tabac ou de cannabis.

Les intervenants, s'ils semblent moins sujets à développer un ESPT (3 %), ne sont pas épargnés par le surmenage, conséquence d'une longue et intense mobilisation.

L'étude constate qu'un score élevé à l'échelle STRS**, qui mesure la réaction péri-traumatique (crainte pour sa vie ou celle d'un proche, horreur et effroi, réaction adrénergique) semble prédictible d'un ESPT - ce qui explique que témoins et endeuillés y soient sujets. À l'inverse, le soutien social se révèle protecteur.

Une prise en charge médicopsychologique précoce s'avère précieuse pour prévenir la dépression et plus généralement les troubles psychiques ; une dégradation du statut socioprofessionnel et économique semble les aggraver. Les chercheurs n'ont pas trouvé de lien statistique avec les antécédents psychiatriques.

Généraliser l'offre dans l'espace et le temps

Si les plus exposés ont bénéficié d'une prise en charge adéquate, les témoins semblent davantage laissés à eux-mêmes. Seulement 30 % de ceux qui ont développé un trouble ont eu un suivi spécialisé, faute de proposition de la part des acteurs de santé, mais aussi par une forme d'auto-censure (évitement propre à l'ESTP, sentiment de honte ou de culpabilité).

Le rapport propose d'élargir la prise en charge précoce à toutes les victimes et de renforcer les dispositifs d'information et d'accès aux soins, à distance des événements. La systématisation d'un premier contact avec les acteurs du médico-psychologique serait aussi pertinente pour les secours, parce qu'elle éviterait toute stigmatisation.

L'articulation entre les CUMP et l'aval, et plus largement l'orientation vers le secteur libéral et hospitalier, doivent être renforcées. « Il faudrait le penser comme un parcours de soins, avec la possibilité d'entrées tardives », précise le Pr Baubet.

Une seconde vague d'entretiens auprès de 350 personnes de cette cohorte, réalisée à l'automne 2016, devrait permettre d'approfondir l'évolution des séquelles (y compris sous l'effet du 13 novembre), tandis que l'étude ESPA 13 novembre devrait prochainement livrer ses résultats sur plus de 1 000 personnes.

*Investigation des manifestations traumatiques post-attentats et de la prise en charge thérapeutique et de soutien des personnes impliquées dans les attentats de janvier 2015, par l'agence régionale de santé Ile-de-France et Santé publique France, en partenariat avec l'université Paris 13. 

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin: 9557