A l'hôpital psychiatrique d'Amiens, la communauté médicale sonne l'alerte

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Publié le 24/08/2018
hôpital psychiatrique pancarte

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Crédit photo : S. Toubon

Un poste sur deux de médecin psychiatre vacant. C'est le scénario noir que risque de connaître l'hôpital psychiatrique Philippe Pinel d'Amiens (Somme) si rien n'est fait pour enrayer la pénurie médicale d'ici à décembre. 

Avec 12 millions d'euros de dette cumulée, l'établissement est dans une situation financière délicate. Sous contrat de retour à l'équilibre financier, l'hôpital a dû engager une politique de restructuration pour sortir de l'ornière. Le 15 juin dernier, la direction a décidé de fermer un service de 20 lits, le quatrième en quatre ans, ramenant le parc à 174 lits. La goutte de trop pour une partie des soignants et des syndicats de personnels (CGT, FO et SUD), en grève depuis près de 70 jours. Ils réclament la création de 60 postes soignants, la réouverture de deux unités de soins, l'effacement de la dette et l’organisation d’une table ronde avec l’ensemble des acteurs, sous l'égide de l'agence régionale de santé (ARS) Hauts-de-France.

Près de 45 psychiatres exercent à l'hôpital Pinel : 30 postes en psychiatrie adulte ; 15 postes en pédopsychiatrie. La fermeture en juin de 20 nouveaux lits est concomitante au départ d'une dizaine de médecins du secteur adulte, que ce soit des départs en retraite ou le fait de jeunes praticiens qui ne souhaitent pas rester. Pour la première fois, l'hôpital a dû faire appel à des psychiatres intérimaires pour assurer la prise en charge des patients cet été. 

«Il se passe quelque chose de très fort à l'intérieur de l'établissement, analyse pour le « Quotidien » le Dr Valérie Yon, présidente de la commission médicale d'établissement (CME). On constate un vrai engagement de chacun pour défendre l'hôpital Pinel et la psychiatrie sur le territoire. Et les collègues en partance le font pour dénoncer ce qui ne va pas. »

Création d'une FAM ? 

Selon le Dr Yon, l'établissement a toujours tourné avec « 10 à 20 %» des postes de psychiatrie vacants. Les professionnels de santé sont sur le pont depuis longtemps : leurs premières inquiétudes sur le manque de psychiatres datent de 2011. En décembre dernier, ils ont informé par courrier l'ARS, Agnès Buzyn et Emmanuel Macron de la situation. Aujourd'hui, les choses ont pris un tour nouveau : « Les récents départs nous alertent, explique le médecin. Si nous ne parvenons pas à recruter, on risque de se retrouver entre 45 et 55 % de taux de vacance. C'est le pire des scénarios.  » 

 

Optimiste, la psychiatre veut croire que l'établissement parviendra à redresser la barre en misant notamment sur le recrutement d'internes ou de médecins à diplôme étranger. « L'urgence, c'est de consolider les équipes et de rapporter de la sérénité dans les services, explique-t-elle. Les praticiens réclament des moyens qui leur permettent de décliner opérationnellement le projet médical. »  Contactée, l'ARS indique que trois médecins sont d’ores et déjà recrutés. « D’autres recrutements sont en cours pour compenser les départs confirmés ou envisagés », ajoute la tutelle régionale.

Si le mouvement d'alerte des médecins est commun à celui des personnels soignants, qu'ils soutiennent dans leur combat, les revendications sont sensiblement différentes. Outre l'annulation de la dette, les psychiatres réclament une augmentation de la dotation annuelle de financement. Le Dr Yon regrette aussi le manque de créations de structures d'aval médicosociales à visée psychiatrique (comme les foyers d'accueil médicalisés), qui pourraient compenser la fermeture de lits à l'hôpital. L'ARS l'assure : il y aura bien une discussion « ouverte » avec le conseil départemental de la Somme pour la création d’un foyer d’accueil médicalisé. En attendant, 20 places supplémentaires vont être créées à la maison d’accueil spécialisé existante. 

Une nouvelle rencontre avec les acteurs de la communauté hospitalière sera programmée à la rentrée.


Source : lequotidiendumedecin.fr