Insuffisance respiratoire chronique grave

L’oxymètre digital, un outil devenu indispensable

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Publié le 15/02/2018
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« L’insuffisance respiratoire est une faillite de l’hématose. C’est une saturation de l’hémoglobine en oxygène < 90 % ! », martèle en préambule le Pr Christophe Pison, pneumologue au CHU Grenoble Alpes.

L’insuffisance respiratoire chronique grave se définit par une PaO2 inférieure à 55 mm Hg ou 7,33 kPa. La première cause est la BPCO (dont 20 % non liée au tabac), devant l’obésité (syndrome obésité hypoventilation). « Certains obèses gardent des échanges gazeux parfaits malgré une charge mécanique importante pour faire rentrer et sortir l’air, d’autres n’y arrivent pas », précise-t-il.

Le challenge du dépistage précoce

« La dyspnée n’est ni sensible, ni spécifique. On peut souffrir d’insuffisance respiratoire grave sans être essoufflé, et inversement. La cyanose est spécifique, mais peu sensible. Elle apparaît à partir de 5 g d’hémoglobine réduite (à un stade d’insuffisance respiratoire précoce chez le polyglobulique, mais très tardif chez l’anémique). Enfin, l’hypercapnie est une complication difficile à repérer (sueurs, flapping tremor, HTA, troubles cognitifs) » souligne le Pr Pison.

Pour dépister les patients insuffisants respiratoires, le Pr Pison conseille « d’investir dans un oxymètre digital (ou saturomètre, 15 à 150 €). Chaque médecin généraliste devrait en avoir un dans sa trousse en plus d’un peak-flow. Il permet en routine et en 10 secondes, de mesurer et surveiller la saturation au doigt des patients BPCO, à risque de BPCO, obèses… ».

L’hypoxémie, se démasque initialement pendant le sommeil, puis apparaît à l’activité physique, et enfin au repos. « D’où l’intérêt de faire marcher le patient avec un oxymètre et, en cas d’oxygénothérapie, de titrer l’oxygène la nuit, à l’effort et au repos », précise le Pr Pison.

Lorsque la baisse de la saturation de l’hémoglobine en oxygène est constatée à plusieurs reprises hors épisode aigu, le patient est adressé au pneumologue pour enquête étiologique. La mesure du souffle retrouve dans 2/3 des cas un syndrome ventilatoire obstructif (essentiellement des BPCO, très sévères), ailleurs un syndrome restrictif (maladie neuromusculaire, obésité, fibrose pulmonaire, voire une hypertension pulmonaire). L’insuffisance respiratoire avec capnie normale ou basse se traite par oxygène (en plus du traitement étiologique de la maladie asthme, BPCO), celle avec hypercapnie (lié à une hypoventilation, notamment chez l’obèse) par ventilation non invasive, idéalement nocturne.

Une communication à améliorer entre l’hôpital et la ville

En cas d’exacerbation, il incombe au médecin généraliste d’hospitaliser (ou non) le patient en fonction du contexte social, des comorbidités, d’éventuels signes de gravité. À quand un dossier partagé électronique après toute hospitalisation en pneumologie, précisant les conduites à tenir en cas d’exacerbation ? « L’insuffisant respiratoire chronique grave uniquement suivi par son pneumologue (en ville ou à l’hôpital) est en danger. S’il étouffe la nuit sans que pneumologues et médecin traitant aient anticipé cette possibilité, le généraliste sera démuni et cela finira souvent par « un prière d’admettre » aux urgences », constate le Pr Pison. Or le traitement à la maison, parfois possible, évite les risques et aléas de l’hospitalisation avec une sécurité démontrée. « À Grenoble, aux urgences, on essaie de réadmettre précocement aux heures ouvrables le patient chez lui avec un panier de soin type oxygène temporaire, aérosol s’il n’en avait pas, désencombrement par kinésithérapeute et infirmière pour surveillance et soins », note le spécialiste.

Et la fin de vie par hypoxie ? « Elle a lieu à le plus souvent l’hôpital car la lourdeur des soins, la charge émotionnelle et l’administration des hypnotiques et morphiniques à la maison reste très problématique » déplore le Pr Pison.

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9640