LE QUOTIIDEN DES LECTEURS

Ma vérité sur le PRADO

Publié le 10/01/2012
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PARIS (75)

Françoise Bicheron (sage-femme*)

De tout temps, et sous leur seule responsabilité, les sages-femmes ont toujours assuré seules les suivis de suites de couches soit en établissement soit à domicile à titre libéral, sans aucune tutelle des médecins lorsque l’accouchement a été physiologique et que les suites de couches le sont également (cf. Code de la Santé publique). Que l’Assurance-maladie, lorsque les patientes seront de retour à domicile, souhaite travailler directement avec les sages-femmes sans intermédiaires coûteux ne me choque nullement.

L’HAD, au départ, avait été créée dans le but d’éviter des hospitalisations longues coûteuses et désocialisantes pour en réduire la durée pour les maladies de longue durée ou incurables, dans un but d’économies de coûts et afin d’obtenir des résultats améliorés tant en santé publique qu’au plan humain si souvent négligé. Même lorsque la grossesse connaît des difficultés transitoires, elle n’aurait jamais dû entrer dans ce cadre, d’autant que l’élargissement des compétences des sages-femmes (Loi de 1982 et décret de 1986) leur donne les moyens d’intervenir directement sur prescription d’un médecin auprès des patientes. Il va sans dire que l’intervention en HAD est d’autant moins justifiée dans les suites de couches après un accouchement physiologique.

Il est inexact de dire que les médecins n’ont pas été informés ainsi que les responsables d’établissements, puisque cette affaire PRADO [« le Quotidien » du 7 décembre] mise en route à la hussarde par l’Assurance-maladie sans concertation préalable avec les sages-femmes elles-mêmes (ceci en rendant les critères discutables), a été portée à la connaissance de la Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant (CNNSE) dès la deuxième partie de l’année 2009. Toutes les professions médicales et associations d’établissements, ainsi que l’Académie de médecine, y étant représentées. L’HAS, également saisie en juin 2011, faisait connaître à la CNNSE qu’elle ne pourrait se prononcer avant la fin du premier semestre 2012.

Depuis le début de l’année 2011, plusieurs réunions de concertation avec tous les professionnels déjà cités ont été organisées par le président et le vice-président de cette dernière. La dernière réunion datant du 15 septembre dernier.

Là ou je m’étonne par contre, c’est que l’Assurance-maladie a toujours prôné que le PRADO n’avait rien à voir avec les sorties précoces (avant J 7) et qu’à ce jour, suivant vos dires, un amalgame serait réalisé entre le PRADO et les sorties précoces… ? Certaines CPAM comptent J1 le jour de l’accouchement, d’autres J0… ? L’HAS parle maintenant de sorties précoces entre J0/J2… ?

On peut se demander à quand la sortie précoce à J-1… ? Sans relais solide et compétent à domicile c’est un très mauvais coup porté à la santé des mères et des enfants de notre pays.

* Personnalité qualifiée à la CNNSE, présidente du CNOSF entre 2002 et 2006.

De l’homme à la pintade

Barentin (76)

Dr Stéphane Pertuet

Une élue, Françoise Tenenbaum, dotée comme vous et moi de deux hémisphères cérébraux, vient d’avoir l’idée lumineuse de faire soigner des humains – certes ruraux – par des vétérinaires à qui l’on aura appris en une année les deux ou trois bricoles qui différencient l’Homme de la pintade de basse-cour.

Adieu veaux, vaches, cochons, couvées ; nous avons ri à la veille de fêtes, entre le bœuf et l’âne, et béni la petite fille naturelle de Bouvard et Pécuchet qui venait dissiper la morosité d’une année touchée par la crise financière, Fukushima et le priapisme stauss-kahnien – tout cela avait décidément fini de nous faire rire.

Merci à toi Françoise d’avoir réveillé nos esprits assoupis par une actualité préprésidentielle aussi excitante qu’une messe de minuit en latin. Nous prions quand même pour que tu n’occupes jamais le poste de notre regrettée Roselyne Bachelot que tu rejoins voire surpasses dans la rubrique « inventivité-créativité pour sauver la médecine libérale ».

Du rire aux larmes il n’y a qu’un pas. Celles d’aujourd’hui sont des larmes de bonheur, du bonheur de t’avoir entendu nous divertir. À quand les larmes d’amertume et de regrets quand les médecins dits « de proximité » auront, de guerre lasse, déserté les campagnes, usés, épuisés par des journées marathon ? Ces femmes et ces hommes que le pouvoir veut travailleurs et dociles, sur le pont le jour, la nuit et les week-ends, télé-transmetteurs bénévoles, génériqueurs surveillés, sans moyens pour s’offrir le luxe indispensable d’une secrétaire… suivront le mouvement des postes, des écoles et des hôpitaux.

Alors Françoise, nous les anonymes chevilles ouvrières de la médecine, nous avons pensé à toi au pied de notre sapin le 25 décembre :

« O Tenenbaum, O Tenenbaum

Wie treu sind deine Blätter… »

Parce que tu vois, nous aussi on adore faire des blagues pas drôles.

Un cochon dans le maïs

Bordeaux (33)

Dr Marc Gutierrez

Par une soirée ordinaire de province, bien calé dans mon vieux fauteuil en cuir, je parcours d’un œil distrait et désabusé de médecin préretraité mon journal médical, tout en sirotant mon Islay préféré.

Soudain un choc. Bou Diou ! Je lance un appel style « Méday » à mon épouse réquisitionnée dans la cuisine familiale.

Dans la page d’annonces, un encart vient bouleverser notre quotidien : « Centre de santé Guadeloupe cherche médecin salarié. Rémunération 91 000 euros pour 35 heures hebdomadaires. Appartement de fonction F4 entièrement meublé et équipé. Frais de déménagement + billet d’avions tous les trois ans offerts… »

Je consulte fébrilement les pages précédentes. Nos syndicalistes triomphants ont signé la nouvelle convention : blocage des honoraires pour une décennie ; nouveau CAPI qui avance masqué comme dans un mauvais film d’épouvante de série B ; augmentation historique des cotisations retraite avec baisse des allocations (les vases ne communiquant plus !) ; avantages sociaux ou ce qu’il en reste en jachère ; les médecins retraités seront appelés à rempiler… J’en passe et des pires.

Je poursuis ma funeste lecture. Contre vents et marées, 8 % des jeunes médecins persistent à s’installer en libéral, les inconscients, ces fous, nos héros… Encore un petit effort et bientôt, l’espèce aura disparu.

Comme on le dit avec bons sens dans notre Sud-ouest : « Pour sûr, il y a un cochon dans le maïs. »


Source : Le Quotidien du Médecin: 9062