Maison médicale de Vénissieux : les médecins reprennent la garde

Publié le 31/03/2003
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De notre correspondante

Vendredi 20 mars, le printemps se fête en musique dans le bar qui jouxte l'office public de la Tranquillité de Vénissieux !
Au premier étage du bâtiment, la Maison médicale a ouvert ses portes aux patients comme aux décibels, dès 19 heures. Ce soir, la permanence des soins est assurée par le Dr Anne-Marie Desseignes, installée dans la commune depuis un an et demi. La trentaine enthousiaste, elle explique que, pour elle, « c'est un privilège de prendre la garde dans ces conditions ». Une demi-heure s'est écoulée lorsque la première patiente arrive.
A l'accueil, Michèle Akpah enregistre le dossier, demande discrètement si la patiente bénéficie de la CMU, le coût de la consultation de nuit s'élevant tout de même à 55 euros. Puis le rythme des arrivées s'intensifie vers 19 h 50 : une adolescente consulte pour une attaque d'asthme, et un enfant de 11 mois, bien encombré, lui succède. La jeune fille est rapidement prise en charge. « Nous n'avons pas d'aérosol, je lui ai donc fait une injection de corticoïdes », indique le Dr Desseignes. Installée dans le second cabinet médical, inoccupé pour le moment, l'adolescente asthmatique restera plus d'une heure en observation. C'est l'occasion d'un petit défilé familial, ponctué de sonneries stridentes d'un portable : Michèle Akpah se livre alors, gentiment mais fermement, à un petit rappel au calme.

Conseil téléphonique

Entre 20 h 10 et 21 h 45 arriveront un jeune enfant - encore une rhino -, un homme de 37 ans victime d'une agression, puis un adolescent pour un problème infectieux. « Sur ces six patients, deux n'avaient pas de moyens de paiement », note le Dr Desseignes. Le premier appel téléphonique a lieu à 21 h 40 : un enfant de 3 ans a avalé un bêtabloquant. « Je ne suis pas trop inquiète, indique le médecin, il ne s'agissait que d'un quart de comprimé et les parents savent prendre le pouls. » Les parents rappelleront quand même. A 10 h 25, c'est une fillette qui est amenée par son père, sur les conseils des services d'urgences de la clinique de la Roseraie, à Vénissieux : encore un problème infectieux. Ils sont suivis d'un jeune couple hésitant : le garçon a reçu un « mauvais coup ». Dubitatif, il tente une explication alambiquée sur sa difficulté à faire l'avance des frais. Une solution sera finalement trouvée avec le Dr Desseignes : le couple repart sourire aux lèvres, non sans avoir pris la peine de finir la lecture de l'horoscope, entamée précédemment dans la salle d'attente.
Retour au calme de la nuit, toujours propice aux confidences. Michèle Akpah raconte son parcours atypique : un poste de direction dans une usine de textile, puis le choc du licenciement, la bataille judiciaire, la paix retrouvée, enfin, la reconversion et son arrivée à la Maison médicale, via Polaris, le Pôle d'aide au recrutement et à l'insertion, installé à Vénissieux. Le dernier consultant arrivera à 10 h 55 : une petite fille, accompagnée de son père, vient pour une otite. Entretemps, le pharmacien de garde aura appelé en raison d'une confusion faite entre la lettre destinée au médecin traitant et l'ordonnance. Peu avant minuit, Michèle dresse le bilan de la soirée qui s'élève à neuf patients pris en charge dont sept enfants ou adolescents.

Un premier bilan positif

La veille, le comité de suivi de la Maison médicale de Vénissieux s'était réuni pour dresser un premier bilan : depuis l'ouverture de cette structure, le 18 novembre 2002, une vingtaine de médecins, qui avaient abandonné la garde, l'ont reprise, « avec le sentiment d'exercer la permanence en totale sécurité », insiste Anne-Marie Desseignes. Pour l'Association des médecins de garde de Vénissieux (AMGV) qui, depuis 2000, porte ce projet, c'est un premier succès.
Autre point positif : lors de la présentation du bilan, « le responsable des urgences de la Roseraie a indiqué avoir moins de patients relevant de la médecine générale », remarque le Dr Pascal Dureau, généraliste et cheville ouvrière du projet. Entre l'ouverture et le 19 mars dernier, 1 466 consultants, dont plus de 80 % sont originaires de Vénissieux et de deux communes limitrophes, ont été accueillis. Si, en semaine, la moyenne est de six patients, durant le week-end où les plages horaires de garde sont plus importantes (samedi de 12 heures à 24 heures, dimanche et jours féries de 10 heures à 24 heures), la Maison peut enregistrer des pics allant jusqu'à 35 patients. « Les pathologies rencontrées sont identiques à celles que l'on voit au cabinet dans la journée, telles que des problèmes infectieux ou des douleurs abdominales, avec peut-être un peu plus d'enfants vus lors de la permanence », détaille le Dr Desseignes, qui, plus exceptionnellement, a pris en charge des crises d'asthme et des coliques néphrétiques.

Augmentation de la demande ?

Aucun incident ne semble avoir émaillé ces trois premiers mois de fonctionnement. Quant à la fréquence des consultants bénéficiant de la CMU, le Dr Dureau affirme ne pas détenir de statistiques pour le moment mais promet d'y être attentif. « Le risque serait de devenir un cabinet secondaire des médecins en tiers payant », explique-t-il. Pour les mois à venir, l'AMGV sait qu'il lui reste encore du grain à moudre, entre autres travailler sur la régulation, réfléchir à la formation, intégrer la dimension médico-sociale à la pratique, et faire aussi de la Maison médicale « un lieu d'éducation au bon usage du soin », complète Pascal Dureau. Il lui faudra aussi se concerter avec SOS-Médecins, qui affirme observer une augmentation de « plus de 60 % de son activité sur Vénissieux, le soir à partir de 23 heures », précise le Dr Emile Hobeika, responsable de cette association. Et répondre à la question qui apparaît en filigrane : cette structure a-t-elle eu pour effet d'augmenter les demandes de soins ?

Caroline FAESCH

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7306