A Paris

Michel-Ange, l'harmonie dans la démesure

Publié le 03/04/2003
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Arts

Le dessin était pour Michel-Ange le passage obligé vers l'œuvre définitive, peinture ou sculpture. Privilégiant ce que Léonard de Vinci appelait la cosa mentale, c'est-à-dire le souci de perfection conforme à un modèle idéal et non la fidélité naturaliste dans la reproduction du visible, l'artiste du Quattrocento exprimait plus une idée de la « beauté sue » que de la « beauté vue ».

Certes, les anatomies devaient-elles être savamment explorées, disséquées même, et rien n'échappait au regard de Michel-Ange, mais il transcendait l'observation pure, usant du filtre de l'esprit pour arriver à la perfection finale. Ainsi, et ses dessins en sont le témoignage, l'art de Michel-Ange est un subtil mélange de liberté et de perfection fondée sur les canons de la Grèce antique.
L'œuvre graphique de Michel-Ange s'étend (à l'instar de ses peintures et sculptures) sur plus de soixante-dix ans, de son apprentissage dans l'atelier de Ghirlandaio à Florence jusqu'aux travaux destinés à Santa Maria degli Angeli (1561).
L'exposition du Louvre rend compte de cette prodigieuse activité de dessinateur, en suivant pour ainsi dire un parcours chronologique qui s'ouvre avec les dessins de jeunesse à la plume : copies d'œuvres de Giotto et de Masaccio, esquisse pour le David de bronze, croquis de bras ou de fragment de torse, ainsi que l'émouvante Marie-Madeleine contemplant la couronne d'épines. Déjà, le trait mêle puissance affirmée et légèreté vaporeuse.
En 1504, Michel-Ange entame ses recherches pour une peinture destinée à la salle du Conseil du Palazzo della Signoria à Florence : la Bataille de Cascine, qui ne restera en réalité qu'un carton. Des croquis de ce travail sont exposés ici, essentiellement des études de figures. Autre projet, le Martyre des Dix Mille, où triomphent la monumentalité des corps, les anatomies puissantes des nus masculins, robustes mais jamais brutaux, l'énergie des esclaves campés dans une attitude d'effort. Une harmonie égale, mais cette fois au service de la grâce et de la douceur préside à La Vierge, l'Enfant et Sainte Anne, où l'artiste se mesure à son rival Léonard de Vinci.
Protégé par Laurent de Médicis dès 1490, Michel-Ange fut appelé à réaliser des dessins pour la chapelle de la famille, vers 1520. Les croquis dévoilent notamment une magnifique femme nue à mi-corps, d'après le torse d'une Vénus antique, une esquisse et un modello (maquette) pour le tombeau des Magnifiques, une figure assise de Saint Côme...
Mais c'est surtout dans sa série de sanguines des années 1520 que Michel-Ange affirme toute la force et la perfection de son génie. Les Deux hommes nus luttant, la Tête d'un faune et la Vierge à l'Enfant avec Saint-Jean Baptiste sont des formes éblouissantes de puissance plastique. Quant à la série des dessins de la vieillesse, elle offre un Christ en croix, entre la Vierge et Saint-Jean, chef-d'œuvre incomparable de spiritualité.
Une vigueur et une audace stupéfiantes, au-delà de la norme, émanent de ces traits, qui ne sont encore pour la plupart que des études ou des esquisses, et qui donneront naissance aux chefs d'œuvre achevés que l'on sait. À eux seuls, ces dessins suffiraient à résumer le génie de Michel-Ange, où la force et la grâce se conjuguent avec l'esprit. La foi dans Dieu et dans l'homme inspire tant de beauté.

« Michel-Ange, les dessins du Louvre ». Musée du Louvre, aile Denon. Paris-1er. Tlj sauf mar de 9 h à 17 h 30 (jusqu'à 21 h lundi et mercredi). Entrée : 7,5 euros (TR : 5 euros). Jusqu'au 23 juin.

Daphné TESSON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7309