Entre le début de la maladie et le moment où le diagnostic de la maladie maniaco-dépressive est posé avec certitude, il s'est écoulé en moyenne huit ans et le patient a vu trois médecins. Pour répondre aux questions que se posent ces malades, la Fondation pour la recherche médicale a organisé, dans le cadre des « Rencontres santé », un débat public avec trois psychiatres autour de Michel Cymes, chroniqueur à France Info, sur cette maladie dont souffrent 500 000 personnes en France.
« Je dis que je suis malade depuis peu de temps, explique une patiente bipolaire (autre nom de la maladie maniaco-dépressive) ; auparavant, dire que je suis déprimée me renvoyait immédiatement à un échec à cause du jugement de valeur que peuvent porter les proches sur cette maladie. » Un autre patient explique sans fard : « Le gros problème de ce type de maladie est qu'il est extrêmement difficile d'en parler, en particulier dans son entreprise ; aujourd'hui, il est plus simple d'annoncer qu'on est atteint du sida que de troubles bipolaires. »
Dédramatiser
Ainsi le témoignage d'autres malades est primordial pour mieux comprendre sa propre maladie et le regroupement des malades en associations se révèle très bénéfique. « Il faut apprendre à gérer sa vie à travers la maladie, explique une patiente de l'association Argos 2001*, les conférences du Dr Christian Gay** nous sont très utiles. » Pour ce psychiatre du service de santé mentale et thérapeutique de l'hôpital Sainte-Anne, à Paris, « la coopération entre patient, médecin et entourage est essentielle pour l'application des mesures psychoéducatives et la diffusion d'une information sur la maladie, ses risques, les mesures thérapeutiques, la signification des effets indésirables, les conséquences d'un arrêt du traitement, les règles d'hygiène de vie à respecter, l'ensemble de ces mesures permettant de diminuer très fortement le risque de rechute ». « Ma vie de bipolaire a changé quand j'ai poussé la porte de France Dépression, raconte une autre qui s'est depuis investi dans l'association. J'ai pu comprendre ma maladie, la dédramatiser et l'accepter. Aujourd'hui, j'en parle comme si j'étais diabétique et je glane le maximum d'informations. »
Comme le diabète, la maladie maniaco-dépressive est chronique et l'autre intérêt des associations aux yeux des médecins est qu'elles favorisent une meilleure observance des traitements. Dans la phase dépressive, la thérapeutique comprend des antidépresseurs et un thymorégulateur puis, dans la phase maniaque, le thymorégulateur est maintenu et complété éventuellement par des neuroleptiques. « Dans la mesure où il s'agit d'un traitement préventif, la prescription de thymorégulateur peut se concevoir comme un traitement à vie. Ici encore, l'acceptation du traitement et son suivi régulier tirent profit d'une bonne connaissance de la maladie de la part du patient, de l'efficacité du traitement et du contrôle de ses effets secondaires », souligne le Dr Chantal Henry (CH Charles-Perrens, Bordeaux). « Lorsque j'ai commencé à aller mieux, j'ai arrêté le lithium, avoue une patiente, mais j'ai immédiatement rechuté après mon divorce. » C'est aussi pour prévenir ces types de comportement que des groupes d'information et de soutien aux patients ont été créés à Paris et à Bordeaux.
Des moyens pour la recherche
Du côté de la recherche, la présence d'un terrain génétique sous-tendant les troubles bipolaires fait de la génétique un outil de choix pour mieux comprendre ces troubles. « Mais ce type de recherche ne pourra se faire sans la mise en place de moyens spécifiques dédiés à la recherche en psychiatrie génétique. Il s'agit d'une recherche coûteuse impliquant de très nombreux spécialistes et de nombreux outils. Il faut des crédits publics et privés dédiés à la recherche et une volonté politique de développer, enfin en France, une recherche en psychiatrie de qualité », plaide le Pr Marion Leboyer (service de psychiatrie du CHU Henri-Mondor, Créteil).
Pour poursuivre son action, la Fondation pour la recherche médicale a créé PARI (psychiatrie : agir pour la recherche et l'information), une association qui fédérera les différentes associations de malades concernés par la santé mentale et prendra la relève du programme Action dynamique en psychiatrie (ADP) lancé en 2001 pour soutenir la recherche. Sa vocation sera double : recueillir des fonds pour mieux financer la recherche en psychiatrie et développer l'information pour les patients et les familles. Une démarche à l'image de celle que la fondation avait lancée dès 1987 autour du sida.
* Site de l'association de patients Argos 2001 (association d'aide aux personnes atteintes de troubles bipolaires et à leur entourage) avec de nombreux liens : http://argos.2001.free.fr.
** Les conférences du Dr Christian Gay sont destinées à tous ceux qui sont concernés par la maladie bipolaire. Elles se déroulent le jeudi soir de 20 h à 21 h 30 au FIAP Jean-Monet (face au centre hospitalier Sainte-Anne, entrée 30, rue Cabanis, Paris 14e). Prochaines conférences : 22 mai (gestion de sa vie familiale et socioprofessionnelle), 5 juin (prise en charge sociale), 12 juin (quelle attitude avoir ?), 19 juin (les difficultés de la prise en charge) et 26 juin (questions diverses et conclusion).
Un colloque à Paris le 25 avril
Les troubles bipolaires, qui touchent 1,5 % des Français au moins, sont une maladie grave, invalidante, avec un fort risque de suicide (15 % des malades non traités). Mais ils ne « sont pas une fatalité ». C'est le message que veut faire passer l'Association de recherche sur les troubles bipolaires (ARTBP) en organisant le 25 avril au Sénat, pour la première fois, une journée d'échanges et de réflexion entre les professionnels de santé, les associations et les pouvoirs publics.
Ce colloque, organisé avec le soutien de l'INSERM, du « Quotidien » et de la Fondation pour la recherche médicale, sera présidé par le Pr Henri Lôo. Il sera donc l'occasion de mieux faire connaître la maladie, ses causes (facteurs génétiques, événements déclenchants), ses conséquences médicales et psychosociales, ainsi que les traitements (psychologiques et médicamenteux).
Pour l'ATRB, ce sera aussi l'occasion de souligner, à l'intention des pouvoirs publics, la nécessité de créer des structures spécialisées de prise en charge comme il en existe depuis longtemps dans d'autres pays d'Europe ou aux Etats-Unis.
Enfin, le point sera fait sur la recherche en psychiatrie, qui doit être développée, avec des crédits dédiés et la formation de jeunes psychiatres et psychologues.
Renseignements : Karine Muller-Marin, tél. 01.49.09.26.51, karine.muller-marin@tbwa-pr.com, ou Michel Boudin, tél. 01.42.74.42.48, mboudin@noos.fr.
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