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Patient malgré lui

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Publié le 26/10/2018
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Avec humour noir, le récit burlesque du Dr Erbstein relate comment une tumeur agressive rarissime l’a transformé.
Blues

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Marche rapide et légumes « de toutes les couleurs » : le Dr Jean-Jacques Erbstein, généraliste passionné, soigne depuis toujours son hygiène de vie. Quand se dévoile une grosseur dans son thorax, il peste contre ceux qui se « foutent de leur régime » et parviennent à des âges respectables, « diabétiques et obèses, mais en vie ». « Si jamais ce truc est un cancer, ça va être la fête de la merguez ».

« Le blues de la blouse blanche », épopée mortifère de ce « carcinoïde neuroendocrine thymique », prête voix à la tumeur. Cynique et discrète, elle contemple « avec amusement » ses propres dégâts et expose son envie irrépressible de « nuire ». Mais pas trop vite, par peur de partir aussi. « Un jour, je ferai taire ce gros machin qui cogne. Mais on me chuchote que ce jour-là sera aussi mon dernier », s’inquiète-t-elle.

Leçon d’humilité

L’humour noir se niche aussi dans la voix du praticien, surtout quand il aborde les pires scénarios. La vie après la mort ? Dans « les visages déformés par le rictus ridicule de la mort, il n’a perçu que la douleur ou le soulagement ». Avec l’amour de ses proches, la distance de l’humour lui a sauvé la mise, affirme celui qui avant son opération s’est endormi « en trouvant très divertissant » de se faire « couper en deux ».

Humiliant, le cancer, pour un médecin ? Une bonne leçon d’humilité, surtout. Il se sentait immunisé contre ces malheurs, du haut de sa tour d’ivoire de sachant. « Je n’étais pas le praticien aussi exceptionnel que je pensais. C’est l’heure du mea culpa : trop sourd, expéditif car trop sûr de son savoir, considérant avec « juste une pincée de cet habituel mépris médical » que le travail d’écoute, c’était pour les infirmières et aides-soignantes. Il fustige alors les annonces « sans filet » de « diagnostics épouvantables ».

Après avoir fait, comme patient, les frais de ces manquements, le Dr Erbstein affirme avoir changé. « Il aura fallu ce crabe, pour qu’enfin je saisisse ce que des années de pratique m’avaient caché. » Les nouveaux mots d’ordre sont l'écoute et l'humilité. Les deux plus importantes qualités du soignant à ses yeux.

"Blues de la blouse blanche ou les confidences d'une maladie à son médecin", aux éditions Les passagères, 230 p., 16 euros.

Sabrina Moreau

Source : Le Généraliste: 2849