De notre correspondante
La santé économique et financière des cliniques privées se dégrade, on le savait. Mais cette fois, la sonnette d'alarme, actionnée à maintes reprises par les syndicats et les directeurs d'établissements, est tirée par le Graphos.
Ce laboratoire d'analyse des systèmes de santé, basé à la faculté de droit de l'Université Lyon-III, a participé au programme de recherche du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sur les restructurations hospitalières (qui s'est achevé à l'automne 2002), en se focalisant plus particulièrement sur les cliniques privées. Du rapport final qui en a découlé, il émet aujourd'hui une note de synthèse sur la santé financière des cliniques. Or ce document révèle que sur les 841 établissements privés à but lucratif du secteur MCO, le taux de cliniques en déficit d'exploitation est passé de 25 % à 37 % entre 1993 et 2000. « Le classement des cliniques en fonction de leur taux de marge montre un déport massif des établissements du positif vers le négatif durant cette même période, ce qui témoigne d'une dégradation financière globale du secteur », écrivent les auteurs.
Par ailleurs, dans le groupe des établissements ayant un taux de marge faible mais positif, de 0,9 %, soit 57 % des cliniques, « on trouve bon nombre d'indicateurs dans le rouge ou signalant, du moins, une situation économique fragile qui peut se dégrader très rapidement sous l'effet conjugué de plusieurs facteurs ».
Rhône-Alpes ou le parc national en condensé
A ce titre, Rhône-Alpes est exemplaire : « C'est un modèle réduit de ce qui se passe en France », commente David Piovesan, l'un des auteurs de ce travail. La région compte en effet des cliniques, pas très bien dotées, qui sont aujourd'hui en difficulté telles que La Parisière, à Bourg-de-Péage (26) ou la polyclinique de Rilleux-la-Pape (69), voire en liquidation judiciaire, comme la clinique de Thonon-les-bains (74). D'autres résistent par le truchement d'une spécialisation - en chirurgie orthopédique, par exemple - comme la clinique lyonnaise Emilie de Vialar, ou d'un regroupement tel que le CIRA, Cliniques indépendantes de Rhône-Alpes.
Que sait-on des causes de cet appauvrissement progressif ? A l'instar d'autres dirigeants, le Dr Claude Novel, président du CIRA, met volontiers en avant « les multiples prescriptions ministérielles, contraintes et normes à mettre en uvre, sans qu'il y ait eu d'évolution des tarifs en regard », la mise en place des 35 heures en 2000, puis l'augmentation drastique du coût des assurances, qui a parachevé la décompensation. Soit. Mais, en définitive, « l'analyse reste à faire », estime Christophe Pascal, du Graphos. D'abord, les tarifs FSO (forfait de salle d'opération) peuvent être disparates entre établissements, ensuite d'autres facteurs entrent en ligne de compte : « Qu'en est-il par exemple de la redevance reversée par chaque médecin à sa clinique ? », interroge ce chercheur, soulignant qu'elle pouvait varier de 5 à 15 % selon les établissements. « Une analyse différentielle doit être menée pour voir comment les acteurs qui participent à la vie de la clinique ont vécu financièrement cette dernière décennie », avance Christophe Pascal. En d'autres termes, il faut déterminer comment se sont répartis les investissements et les profits.
L'exemple du CIRA
En Rhône-Alpes, les établissements qui semblent s'en sortir mieux que d'autres, comme le CIRA, mettent cette « réussite » sur le compte de la restructuration et de la convergence entre les objectifs, parfois contraires, des praticiens libéraux et de l'entité collective de la clinique. Constitué dès 1999 autour de cinq établissements, le CIRA a opté pour la forme juridique d'une SA dont le capital est resté contrôlé par les praticiens, excluant tout établissement détenu par un groupe financier. Depuis, quatre autres cliniques rhônalpines et un établissement « coopérant » ont rejoint cette société dont le capital s'élève à 144 000 euros. Une politique de réinvestissement a été d'emblée instaurée - aucun dividende n'est reversé aux actionnaires - combinée à la recherche d'une « optimisation des coûts par rapport aux pratiques », précise le Dr Claude Novel. Aujourd'hui, le CIRA pèse quelque 115 millions d'euros de chiffre d'affaires et peut se targuer de réunir 21 % des lits MCO et d'assurer 44 % des accouchements du secteur privé en Rhône-Alpes. Il mise désormais sur la coopération intercliniques, et le développement de secteurs d'activités tels que l'obstétrique et la néonatalogie, la cancérologie, ou la prise en charge de la douleur, évitant soigneusement les activités « dormantes ». Toutefois, « rien ne permet de dire que tout cela ne puisse pas s'effondrer », tempère Christophe Pascal, qui rappelle que la « performance » reste une notion très relative.
La performance trompe l'oeil
Exemple : le groupe allemand Hurrle, propriétaire de la Holding Tonkin Investissement, qui regroupe sept cliniques rhônalpines, semblait « performant ». Or « il s'est fait rattraper par les lois de l'économie », note Christophe Pascal. Après avoir injecté 20 millions d'euros dans la holding, le groupe Hurrle a annoncé en 2002 qu'il ne pouvait plus suivre à ce rythme. La rentabilité du capital restant faible, il aura fallu plusieurs tours de table, et en dépit d'un refus de la Générale de Santé, pour parvenir à recapitaliser Tonkin Investissement. Un nouveau groupe d'investisseurs, dont les Laboratoires Marcel Mérieux, devrait apporter 12 millions d'euros d'ici au mois de juillet 2003. Mais il y a fort à parier que les nouveaux investisseurs décideront de garder les « bonnes » cliniques, comme celle du Tonkin à Villeurbanne, qui possède le FSO le plus élevé de la région, et se sépareront des moins rentables. « C'est l'illustration de la problématique française », conclut Christophe Pascal.
Le gouvernement propose une hausse de 3 % des tarifs des cliniques
Le gouvernement a décidé de faire un geste en faveur des cliniques privées, et propose de revaloriser leurs tarifs de 3 % - et non plus de 2 %, comme il en était question jusque-là (« le Quotidien » du 28 mars). La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) a reçu cette offre avec un enthousiasme mitigé. Son comité exécutif, qui s'est réuni avant-hier, a trouvé ce taux « insuffisant », rapporte le Dr Max Ponseillé, président de la FHP, qui maintient sa demande d'une hausse de 4 % (c'est-à-dire au même niveau que celui de l'objectif quantifié national - OQN - pour l'exercice 2003). La décision d'accepter ou non l'offre des pouvoirs publics revient au conseil des présidents de la FHP, qui se prononcera mercredi prochain sur la question.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature