Renaissance à Port-Royal

Pr Dominique Cabrol, accoucheur de bonnes idées

Publié le 14/02/2012
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Crédit photo : S TOUBON

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Crédit photo : S TOUBON

VALENTIN ou Valentine, cette première naissance dans le nouveau Port-Royal, le Pr Dominique Cabrol en a certainement rêvé ! Il faut reconnaître que ce nouveau bâtiment en plein cœur de Paris qui trône désormais à côté de l’observatoire est le fruit d’une conception minutieuse. Un projet longtemps resté sous monitoring qui a mérité un peu de réanimation budgétaire pour offrir un nouvel espace de 33 000 m² entièrement consacré aux femmes, de l’adolescence à la ménopause. « En réunissant Baudelocque, Port-Royal et Saint-Vincent-de-Paul, ce nouveau site dispose de toute la panoplie du traitement de l’infertilité jusqu’à la prise en charge d’un grand prématuré en passant par la gynécologie médicale et endocrinienne, la chirurgie gynécologique en plein développement et le plus grand centre d’orthogénie d’île de France », affirme le Pr Dominique Cabrol en plein déménagement. L’opération est insolite. Avec une température extérieure de - 10 °, la centaine de mètres qui séparent l’ancienne et la nouvelle maternité est franchie en moins de deux minutes. Toutes les équipes sont sur le pont pour assurer ce va-et-vient de couveuses rasant presque les moustaches d’Adolphe Pinard dont le buste trône encore dans la cour. Le Pr Cabrol est heureux. Les grandes manœuvres ont enfin démarré et le bâtiment flambant neuf va permettre « d’accueillir et de prendre soin des femmes et des petits dans des conditions de confort inégalées à l’AP-HP. » L’accueil personnalisé dans plus de 120 chambres individuelles, en bénéficiant d’une qualité et sécurité de prise en charge optimum est un pari réussi qui repose aussi sur la volonté de ce successeur du professeur Michel Tourneur.

Un interne discret.

À la tête d’un escadron de 60 sages-femmes, Sylvie Beck se souvient des premiers pas de cet interne discret dans ce même service, qu’elle n’a jamais quitté. « Avec lui, la dimension humaine prime en toutes circonstances et je reste sidéré par sa ténacité pour faire progresser tout le monde ensemble », souligne-t-elle. Sylvie Beck se souvient avec émotion de sa mise au point d’une fameuse pince qui dans les années soixante-dix permettait de mesurer la résistance du col, avant de déclencher une naissance. Un terrain de recherche bien singulier pour explorer les mécanismes du déclenchement du travail, un mystère féminin qui touche chez lui à l’intime. L’œil pétillant, Dominique Cabrol accepte cette délivrance et se livre sans résistance. « Prendre soin des femmes c’est devenu mon métier un peu par hasard, mais c’est le sens de ma vie », concède-t-il. Élevé dans la simplicité avec son frère et sa soeur par une femme seule, l’enfant turbulent au parcours scolaire chaotique s’estime encore aujourd’hui « avoir été sauvé à plusieurs reprises par des psychologues qui ont bataillé pour le guider vers des études supérieures ». Attiré par l’homme, la biologie et la recherche, il envisage d’abord de travailler en laboratoire, mais sa femme rencontrée en sous colle admise comme lui à l’internat en 1972, le fera basculer du côté de la médecine. Par curiosité des femmes sans doute, il emprunte la voie de la gynécologie. La gente féminine ne le quittera plus. Père de deux filles et grand-père de deux jumelles, Dominique Cabrol ne pouvait pas rêver de mieux. Sa position à Port-Royal lui permet pourtant aujourd’hui de faire enfin la paix avec un père demeuré inconnu. Parallèlement à la préparation classique à l’accouchement minutieusement orchestrée, Dominique Cabrol donne aussi un coup de main aux futurs papas qui ont leur groupe de paroles et leur couloir dédié pour accéder en un temps record en salle de naissance. Des astuces qui ont guidé le travail de l’architecte.

Ténacité indispensable.

La conception de ce cocon de six étages est revenue à Patrick Berger qui signe son premier bâtiment hospitalier, et s’en explique : « les attentes des usagers ont été prises en compte dès le démarrage de notre étude et le professeur Cabrol a été un mandataire idéal pour prendre des décisions sans heurt. » Passé maître en recherche de consensus, Dominique Cabrol à l’habitude des tempêtes. Les réunions de pôles houleuses n’ont plus de secret pour lui, où il prend le parti de baisser le ton pour que chacun revienne à la raison. Une option contre nature selon le Pr François Goffinet qui travaille à ses côtés et qui le considère ni plus ni moins comme son deuxième père. Il le décrit volontiers « colérique et obtus, difficile à convaincre pour changer d’avis. » Une ténacité indispensable par gros grain et le vent qui souffle aujourd’hui sur Port-Royal est à la hauteur des talents qui s’y exercent. Qu’à cela ne tienne, le Pr Cabrol sait aussi prendre de la distance et pour cela il a son secret. On peut tout de même s’étonner une fois encore que ce recul le pousse jusqu’à la Baule pour toujours et encore regarder la mer droit dans les yeux.

 LAURENCE MAUDUIT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9083