Sur une période de 5 ans, près de la moitié des patients parkinsoniens sous agonistes dopaminergiques vont développer un trouble du contrôle des impulsions (TCI), selon une étude française (comprenant notamment des équipes AP-HP, INSERM et CNRS) parue dans « Neurology ».
« Nous avons montré dans une cohorte de patients jeunes, principalement traités par agonistes dopaminergiques, que la survenue d'un TCI est fréquente et dose-dépendante », résume pour le « Quotidien » le Dr Fabienne Ory-Magne, une des auteurs de l'étude. Elle ajoute : « il s'agit donc d'un effet indésirable fréquent, mais pas nécessairement sévère, qui doit inciter à la vigilance ».
Cette étude multicentrique a inclus 411 patients (âge moyen de 62,3 ans) ayant un diagnostic de maladie de Parkinson de moins de 5 ans et suivis sur une période de 5 ans. Parmi eux, 356 ont déjà pris au moins une fois un agoniste dopaminergique.
2,23 fois plus fréquents
Les TCI, évalués au cours d'entretiens en face-à-face par des spécialistes, étaient fortement associés à la prise d'agonistes dopaminergiques, avec des effets particulièrement marqués avec le pramipexole et le ropinirole. En revanche, aucune association n'a été retrouvée entre TCI et lévodopa. Les TCI - achats compulsifs, jeux, alimentation, sexualité - étaient ainsi 2,23 fois plus fréquents chez les patients sous agonistes dopaminergiques au cours des 12 derniers mois que chez ceux n'en ayant pas pris sur cette période.
La prévalence des TCI est passée de 19,7 % à l'inclusion à 32,8 % à 5 ans. L'incidence cumulée à 5 ans était de 46,1 % chez les patients sous agonistes dopaminergiques. En d'autres termes, près de la moitié des patients sous agonistes ont développé un TCI sur la période de 5 ans.
À l'inclusion, 81 patients présentaient un TCI : dans 3,9 % des cas, le trouble était lié à des jeux d'argent, 4,6 % à des achats, 10,5 % à l'alimentation et 8,5 % à la sexualité. Ils étaient 6 % à présenter plus d'un trouble. Et parmi les 306 patients qui ne présentaient aucun trouble du contrôle des impulsions au départ, 94 en ont développé un au cours du suivi.
Un effet dose-réponse
« Le risque de développer un TCI est d'autant plus important que la dose et la durée du traitement sont élevées », note le Dr Ory-Magne. En effet, cette étude a révélé un effet dose-réponse en termes de dose quotidienne ou de durée de traitement.
« Notre étude montre ainsi que les TCI peuvent survenir à retardement, pas uniquement dès l'initiation du traitement », souligne le Dr Ory-Magne. De fait, « la surveillance des effets indésirables doit être poursuivie tant que le patient est sous traitement ».
Par ailleurs, « nous avons montré que cette association était réversible », raconte le Dr Ory-Magne. L'arrêt du traitement par agoniste dopaminergique s'accompagne d'un retour progressif à la normale. Ainsi, chez 30 patients ayant arrêté ce traitement, la moitié ne présentait plus de TCI au bout de 1 an.
« À l'initiation du traitement, le patient doit être bien informé à la fois de l'effet à retardement possible et de cet aspect réversible », indique le Dr Ory-Magne, ajoutant que « les TCI peuvent être légers à sévères. Ainsi, ils peuvent être tout à fait acceptables à condition qu'ils soient surveillés et ne deviennent pas invalidants au quotidien ». Lorsque les TCI deviennent problématiques, un réajustement du traitement doit être envisagé, tout en prenant en compte la balance bénéfice-risque.
Surveiller les TCI
« Dans la pratique, nous rencontrons parfois des patients qui arrivent à un stade sévère, car ils n'ont pas toujours osé en parler, d'où l'intérêt de les dépister afin d'éviter des situations potentiellement graves », estime le Dr Ory-Magne.
« Cette étude ne doit pas inquiéter sur l'utilisation de ces agonistes dopaminergiques, mais au contraire rassurer sur l'aspect réversible de ces troubles et inciter à ne pas relâcher la vigilance », conclut-elle.
Des études complémentaires permettront d'en savoir plus sur les mécanismes expliquant le lien entre agonistes dopaminergiques et TCI.
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