Prévention, nouvelles fiches repères, télétravail... les pistes pour éviter l'envolée des IJ

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Publié le 21/02/2019
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Dans un rapport remis mercredi au Premier ministre, trois experts font neuf constats et vingt propositions pour endiguer l'envolée des arrêts maladie dont le coût a atteint 7,4 milliards d'euros en 2017, en hausse de 15 % sur la période 2010-2017. 

Dans ce document de 155 pages, dont Le Généraliste a eu copie, Jean-Luc Bérard, DRH du groupe Safran, le Pr Stéphane Oustric, professeur de médecine générale à Toulouse, et Stéphane Seiller, magistrat à la Cour des comptes, appellent à « plus de prévention, d'efficacité et de maîtrise des arrêts de travail ».

Leur travail, qui s'est concentré sur le système d'indemnisation des salariés du secteur privé, présente plusieurs pistes au gouvernement pour faire face à la hausse des arrêts maladie qui pourront faire l'objet de négociations avec les partenaires sociaux. 

Tour d'horizon des propositions.

Plus de prévention pour prévenir les arrêts et leur chronicisation

En 2017, les arrêts indemnisés inférieurs à 30 jours représentaient 74 % des arrêts indemnisés mais seulement 18 % des dépenses, selon les chiffres de l'Assurance maladie. Les rapporteurs observent que la part des arrêts des personnes de 60 ans et plus augmente, conséquence des départs de plus en plus tardifs à la retraite.

Ce sont donc les arrêts longs, moins nombreux mais beaucoup plus coûteux, qui pèsent sur les dépenses de santé. « La maîtrise de la dépense d'indemnisation passera principalement par celle des arrêts longs et la mise en place d'actions de prévention », commentent les auteurs.

Pour les arrêts longs, la mission préconise que soit « fortement reformulé » l'objectif des dispositifs d'indemnisation, qui est la « reprise du travail », et qu'un « volet spécifique » des discussions à venir soit consacré à la prévention de la désinsertion professionnelle. L'enjeu est de taille, une personne arrêtée plus de six mois perdrait la moitié de ses chances de retrouver son travail.

« Aucun dispositif pratique n'est organisé aujourd'hui pour permettre au médecin prescripteur d'orienter un patient vers ses confrères, médecin-conseil ou médecin du travail », constatent les auteurs, qui souhaiteraient une plus grande complémentarité de ces trois métiers. Le silence des textes peut laisser croire aux médecins qu'ils ne peuvent pas partager avec les médecins du travail les informations d'ordre médical, alors que c'est tout à fait possible, voire important pour le salarié, ajoutent-ils. La mission souhaiterait qu'une visite de préreprise du salarié auprès du médecin du travail ne soit plus réservée aux salariés arrêtés plus de trois mois mais puisse intervenir entre 6 semaines et trois mois maximum après le début de l'arrêt.

De meilleurs outils pour les médecins prescripteurs

Les auteurs suggèrent en parallèle au contrôle des surprescripteurs d'accompagner les médecins dans leur dialogue avec le patient pour « mieux convaincre de l'intérêt thérapeutique de l'arrêt ou de la reprise ».

Ils recommandent de « donner aux médecins de meilleurs outils et repères » pour prescrire les arrêts de travail. Selon eux, l'Assurance maladie devrait actualiser ces aides à la prescription (fiches repères) avec le collège de la médecine générale et le collège national des généralistes enseignants (CNGE) (et les collèges des autres spécialités), qui seraient validés par la HAS. 

Les modèles CERFA d'arrêts de travail devraient être adaptés (notamment en ligne) pour assurer leur traçabilité, et être simplifiés en supprimant les obligations de présence au domicile ou de maintien dans la circonscription, par exemple. Une alternative à l'arrêt de travail à temps complet (temps partiel thérapeutique, télétravail), pourrait y être proposée.

Le temps partiel et le télétravail, alternatives à l'arrêt de travail

La mission préconise d'élargir la « palette des solutions offertes au médecin » en leur permettant de proposer le temps partiel thérapeutique ou le télétravail, quand cela est possible, pour éviter un arrêt à temps complet. Il s'agirait d'une option« au choix du salarié ». Le médecin ferait dans tous les cas un avis d'arrêt de travail transmis à la CPAM qui préciserait : « alternative : télétravail autorisé (si possible) ». Pour être acceptée, il faudrait que cette situation de télétravail pour raison de santé soit acceptée par l'employeur ou ait fait l'objet d'un accord d'entreprise.

Jour de carence et remise à plat des règles d'indemnisation 

La mission se prononce pour une remise à plat des règles d'indemnisation et mettent sur la table la piste d'une possible « forfaitisation » des indemnités journalières, à hauteur de 0,7 Smic, pour les arrêts jusqu'à 30 jours, qui se traduirait par un « allégement des coûts de gestion ».

Aujourd'hui, les indemnités correspondent à 50 % du salaire journalier de base, plafonné à 1,8 fois le Smic.

Cette forfaitisation ne pourrait intervenir, selon eux, qu'après l'extension à l'ensemble des salariés du complément versé les deux premiers mois par l'employeur, dont neuf millions de salariés sont actuellement exclus. Elle s'accompagnerait d'une généralisation de la subrogation (salaire maintenu, remboursé ensuite par la Sécu).

Enfin, sur l'hypothèse d'un jour de carence « d'ordre public », c'est-à-dire ne pouvant en aucun cas donner lieu à une indemnisation – idée à laquelle les syndicats sont hostiles mais les employeurs favorables –, la mission suggère qu'elle ne soit envisagée que comme « contrepartie » à une extension du complément employeur.


Source : lequotidiendumedecin.fr