Vive émotion, une semaine encore après que Simone Veil s’en est allée à l’âge de 89 ans. Restée dans l’Histoire pour la loi de 1975 sur la dépénalisation de l’avortement en France, elle fut ministre de la Santé par deux fois : entre 1974 et 1979, puis entre 1993 et 1995. Pendant et entre ces deux périodes, « Mme Veil », comme on l’appelait, s’est adressée aux professionnels de santé… et parfois dans les pages du Généraliste.
Lors de son premier mandat, sous Valéry Giscard d’Estaing, elle est l’une des rares femmes ministres et presque la première à la Santé (si l’on excepte Germaine Poinso-Chapuis de 1947 à 1948). À l’époque, le Généraliste n’existait pas encore, mais, en janvier 1991 pour les 15 ans de la loi sur l’IVG, Simone Veil revenait dans nos colonnes sur son grand combat de l’époque. « Les pressions ont été très fortes (…) », confiait-elle alors, « les propos tenus lors des débats ont été d’une violence extrême (…), c’était le règne de l’hypocrisie ». Au-delà du contexte politique général, Simone Veil se rappelle aussi de l’attitude des médecins. Si l’Ordre était opposé à la loi, ce ne fut pas le cas de tous les praticiens : « certains m’ont au contraire apporté un grand appui, notamment parmi les médecins généralistes dont certains ont été très mobilisés en faveur de la réforme. » Pendant ce premier séjour au ministère de la Santé, elle met aussi en place les premières mesures de réglementation du tabac avec la loi de juillet 1976.
À la fin de ce premier mandat, en février 1979, Simone Veil expliquait aussi dans nos colonnes la mise en place prochaine des « centres 15 ». Instituant le numéro d’appel unique, cette réforme était, selon elle, « le moyen de répondre au besoin d’urgence de la façon la mieux adaptée, la plus efficace, la plus rapide et aussi la plus économique. Et je pense que les généralistes ont aujourd’hui parfaitement compris l’intérêt qu’il y a, pour eux et pour les malades, à participer à l’urgence ».
Pléthore démographique
À l’époque, la profession ressent une dégradation de son niveau de vie. En cause, la surabondance de généralistes. Simone Veil se voulait alors rassurante : « Jusqu’à présent, le niveau de vie moyen des médecins s’est maintenu en dépit de l’augmentation de leur nombre ». À la fin de sa mission, la ministre appuyait aussi pour une réforme du troisième cycle de médecine générale : « internat qualifiant », « stages chez le praticien », baisse du nombre d’étudiants à 6 000 en 2e année était alors au programme… Entre ses deux séjours à l’Avenue de Ségur, Simone Veil devient, de 1979 à 1982, la première présidente d’un Parlement européen pour la première fois élu au suffrage universel. Elle travaille aussi aux nouveaux défis de l’époque : en 1992, elle explique dans nos colonnes pourquoi la santé est un moteur essentiel dans la protection de l’environnement. Elle préside alors la commission d’experts chargée du rapport de l’OMS en vue du Sommet de la Terre de Rio de juin 1992. Moins d’un an après, elle redevient ministre de la Santé. On est alors en pleine cohabitation, Édouard Balladur est à Matignon. Et Simone Veil est en tandem avec un jeune secrétaire d’État, le cardiologue Philippe Douste-Blazy. L’époque est budgétairement moins faste et son second passage sera marqué par le plan Veil d’août 1993, qui baisse les remboursements de l’Assurance Maladie. En 1998, elle prend encore de la hauteur en arrivant au Conseil constitutionnel, dix ans avant de devenir pour de bon « immortelle » en entrant à l’Académie...
En 1976, un dîner chez des confrères...
Les Drs Gérard Agulhon et Jean Jolain n’ont certainement pas les mêmes souvenirs de Simone Veil, ministre de la Santé, que leurs confrères. Généralistes dans le XIVe arrondissement de Paris, en avril 1976, ils écrivent à Simone Veil pour une invitation à dîner à laquelle elle répond favorablement. Tout est parti d’une interview où elle déclarait s’intéresser aux problèmes des généralistes mais déplorait de mal les connaître. Les deux médecins ont donc pris Mme Veil au mot... Rapport MG-hospitaliers, couverture sociale, image du généraliste, honoraires, stage chez le praticien, syndicats et Ordre, tous les sujets de l’époque ont été abordés pendant ce dîner inédit de trois heures entre « le loup sauce verte et le sorbet aux fruits », rapportait le Généraliste à l’époque. Pas sûr que l’expérience soit renouvelable aujourd’hui…
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