« Le cancer thyroïdien différencié est le seul type histologique observé après une exposition aux rayonnements ionisants », rappelle Jean-René Jourdain, adjoint à la directrice de la protection de l’homme à l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire.
Entre Tchernobyl et Fukushima, les contextes sont bien distincts notamment en ce qui concerne la dose reçue. Chez les enfants âgés d’un an, les doses moyennes à la thyroïde s’élevaient de 2 000 mGy (milligray) dans les zones évacuées d’Ukraine, à 3 000 mGy dans celles du Belarus contre de 3 à 4 mGy dans les territoires évacués de Fukushima. « Si le lien entre exposition du rayonnement ionisant et augmentation du cancer de la thyroïde chez l’enfant ne fait absolument aucun doute concernant Tchernobyl, pour Fukushima, il est encore trop tôt pour dire si l’on est en mesure d’évaluer ou non l’impact sur le cancer de la thyroïde », souligne Jean-René Jourdain.
Dépistage systématique
À la différence de Tchernobyl, les autorités japonaises ont mis en place un dépistage systématique par échographie des cancers de la thyroïde pour l’ensemble des enfants de la préfecture de Fukushima, tous les deux ans jusqu’à leurs 20 ans, puis tous les 5 ans jusqu’à la fin de leur vie.
La première campagne incluant plus de 300 000 enfants s’est déroulée d’avril 2011 à 2014. Avec 98 cas diagnostiqués, l’incidence annuelle s’est élevée à 11 cas pour 100 000 chez les moins de 18 ans. Non seulement ces cas ne pouvaient pas être directement associés à l’accident trois ans après, mais il n’existait pas non plus de point de référence car la préfecture de Fukushima ne disposait pas de registres du cancer de la thyroïde en 2011.
Comparées à la moyenne des registres de huit autres préfectures existant avant 2011 (0,75 cas pour 100 000 chez les 5-24 ans), « on a en apparence un facteur 15 », note Élisabeth Cardis, directrice de recherche au CREAL (Centre de recherche en épidémiologie environnementale, Barcelone). « Mais on ne compare pas la même chose car les chiffres des huit préfectures ont été collectés via un dépistage tout venant et non pas organisé », précise-t-elle.
Pas (encore) de différence
D’autres données issues de 4 campagnes de dépistage organisées dans des préfectures non concernées par l’accident de Fukushima font état de 23 à 130 cas pour 100 000 chez les moins de 18 ans. Au final, « dans des conditions similaires de dépistage, il n’y a pas de différence significative avec la préfecture de Fukushima », remarque Élisabeth Cardis.
Dix-huit mois après le début de la deuxième phase de dépistage des enfants de Fukushima (2014-2016), l’incidence se situe entre 6 et 15 pour 100 000 (39 cas suspects dont 15 confirmés chez 182 547 enfants). Des niveaux d’incidence similaires – pour le moment – à la première phase de mesures. « Ce n’est que seulement si l’incidence annuelle du cancer de la thyroïde chez l’enfant augmente à partir de la période 2016-2018 – ou au cours des périodes suivantes – qu’un lien avec l’accident pourra être évoqué », souligne Jean-René Jourdain.
Se pose toutefois la question de l’impact du dépistage du cancer de la thyroïde par échographie chez ces jeunes enfants. « Le dépistage identifie aussi de petites tumeurs qui pourraient n’avoir aucune conséquence clinique, probablement pour une majorité d’entre elles », note Élisabeth Cardis. « Sur une population qui a reçu une dose faible, on peut se demander si un tel dépistage est éthique et si son coût émotionnel et sanitaire en vaut la peine », ajoute l’experte.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature