Alors que se poursuit le débat sur la réforme de la Sécurité sociale et sur le partage des responsabilités entre le régime obligatoire de base et l'assurance complémentaire, la réunion organisée au Sénat par « le Quotidien du médecin », en partenariat avec le Collège des économistes de la santé, les Laboratoires MSD et Espace social européen, a permis de faire le point sur la situation actuelle des régimes de protection sociale.
« Le PIB consacré aux dépenses de santé est deux fois moins important en Grèce qu'en France et pourtant le taux de mortalité est identique », estime Henri Lewalle, directeur de la Mutualité chrétienne belge. Preuve, selon lui, que le système français va mal.
Premier coup de pied dans la fourmilière : c'est Rémi Pellet, maître de conférences au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers) et responsable du Centre de recherche en droit sanitaire et social (CRD2S), qui s'est chargé de le donner, en dressant un bilan d'échec du ticket modérateur. « Economiquement absurde, socialement dommageable et paradoxalement politiquement justifié. » Economiquement absurde puisque l'on rembourse mal des médicaments efficaces et pas du tout certaines pathologies. Socialement dommageable parce qu'une partie de la dépense reste à la charge du patient. Or, certains se trouvent au-dessus du seuil de la CMU sans pour autant être en mesure de payer une complémentaire. Ce qui est sûr, c'est que les niveaux de la couverture complémentaire sont de plus en plus élevés. Donc, selon l'orateur, aujourd'hui, le ticket modérateur semble avoir échoué dans sa tentative de responsabiliser le patient. « S'il fallait le maintenir, ce serait sous condition d'une évaluation scientifique des produits », est convenu Rémi Pellet, farouche partisan de sa suppression. « Dès lors qu'il a la possibilité de s'assurer de manière complémentaire, le patient est déchargé de sa responsabilité et consomme davantage», a conclu Henri Lewalle. De 50 % dans les années 1960, à plus de 80 % des Français aujourd'hui, le recours aux mutuelles a augmenté de façon considérable.
Mais le problème essentiel reste bien le contenu de ce fameux « panier de soins » Comment le définir ? Rémi Pellet a posé la question. « Faudra-t-il attendre qu'un comité d'experts détermine ce qui est bon ou non pour la santé ? Nous risquons de nous trouver perpétuellement en porte-à-faux. »
« Les biens et services qui seront pris en charge doivent être conçus d'après l'historique de la maladie. On ne pourra pas, par exemple, financer les soins des tuberculeux sans prendre en charge la vaccination. Le choix portera donc sur une maladie dans son ensemble », estime le Dr Marc Brodin, président du conseil scientifique de la CNAMTS.
« Tout est fait pour que les rares choses qui sont hors du panier à ce jour puissent y entrer par la petite porte », déplorait Marianne Binst, directrice générale de Santeclair (plate-forme de services pour des usagers de complémentaires). « Pour l'heure, nous avons plutôt un panier de non-choix, inflationniste, et derrière, les complémentaires suivent », renchérit Marc Brodin. Pour Gilles Johanet, conseiller-maître à la Cour des comptes, le panier actuel est irrationnel : « Comment tolérer que l'homéopathie soit mieux remboursée que les soins dentaires et optiques ? » Il faudra, selon l'ancien directeur de la CNAM, user de critères médicaux, considérer l'utilité sociale des traitements et agir selon l'équation coût/efficacité. « Il n'y aura d'ailleurs pas d'opposition entre maîtrise médicalisée et panier de soins,dès lors que le panier sera fondé sur des critères médicaux. »
Prospectives
Il pourrait être question de majorer les prises en charge lorsque les patients s'impliquent dans l'optimisation du traitement. « Certaines assurances, a expliqué Michel Chevillet, directeur santé des AGF, proposent des contrats qui garantissent des soins dentaires à l'assuré qui se soumet à un diagnostic chaque année. » Inversement, les gros consommateurs pourraient finir par être sanctionnés. L'une des participantes au colloque, le Dr Christine Roullière, généraliste, qui suit un DES en économie de la santé, a su joliment résumer la situation du régime de protection sociale français : « Jusque-là, nous avons fait de l'archéologie, en procédant par strates, par sédimentation. Aujourd'hui, nous devons tout mettre à plat et creuser au fond du trou pour trouver de nouvelles énergies .»
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