Le millésime 2013 ne restera pas dans les mémoires de la profession, si l’on s’en tient au revenu déclaré au fisc par les médecins libéraux (tous secteurs confondus).
Après un exercice 2012 déjà amer, le bénéfice 2013 d’une douzaine de spécialités (toutes charges déduites mais avant impôt donc) régresse, selon le bilan fiscal des associations régionales agréées des professions libérales (ARAPL), que « le Quotidien » s’est procuré. Plusieurs disciplines stagnent ou affichent des hausses modérées, dans un contexte d’inflation à 0,9 % l’an passé. Ces statistiques portent sur des effectifs très significatifs (13 000 généralistes 1 000 cardiologues, 900 radiologues, 900 ophtalmologues, 800 anesthésistes, 700 obstétriciens...), même si tous les médecins libéraux ne se retrouveront pas dans les moyennes affichées*. « La tendance générale pour 2013 comme en 2012 est baissière et les hausses de revenus dans le secteur de la santé sont marginales », confirme Pierre Giroux, président de l’ARAPL Picardie, responsable des données fiscales pour les libéraux.État des lieux et analyse.
Généralistes : rebond timide, le « P4P » et la grippe en renfort
Une année chasse l’autre et les revenus des médecins généralistes continuent de faire le yo-yo...
Après un bel exercice 2011 (+7,7 %) dopé par le C à 23 euros, puis une année 2012 en repli (-1 %), 2013 marque un sursaut avec une croissance de 1,8 % du BNC des généralistes, à 85 700 euros.
Ce résultat correct confirme le bilan fiscal 2013 d’une autre fédération d’AGA (UNASA), révélé fin juin par « Le Généraliste », qui faisait état, lui aussi, d’une hausse de 2,3 % pour les médecins traitants.
Plusieurs facteurs ont permis aux généralistes d’afficher un résultat positif.
La première explication est tarifaire. Certes, l’acte de base n’a pas augmenté mais d’autres relais ont joué sur les recettes : la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), versée en avril 2013, a procuré un bonus à quelque 50 000 généralistes, d’un montant moyen proche de 5 000 euros. Autres coups de pouce au 1er juillet 2013 : la majoration de 5 euros pour personnes âgées (MPA) de plus de 85 ans et la généralisation du forfait médecin traitant (5 euros par patient hors ALD en année pleine). Sans oublier quelques consultations approfondies, valorisées 2C, pour le suivi des insuffisants cardiaques et les sorties d’hospitalisation.
La seconde raison du rebond est, pour une fois, liée aux volumes. La longévité exceptionnelle de la grippe 2013 (jusque fin mars) a poussé plus de 3,5 millions de personnes dans les cabinets de médecine générale.
Effet prix et léger surcroît d’activité ont donc tiré le chiffre d’affaires à la hausse (145 000 euros par généraliste en moyenne), une tendance que retrouve l’assurance-maladie dans ses comptes annuels. « En 2013, relève la CNAM,les remboursements de soins de médecine générale ont augmenté de 2,8 % [contre une baisse de 1,2 % l’année précédente]. Le forfait médecin traitant, la majoration de consultation des personnes âgées expliquent en grande partie cette évolution ». Sur 100 euros de recettes, il reste toujours 58 euros de résultat net au médecin de famille.
À noter que les écarts au sein de la médecine générale restent marqués. Quand le quart le plus fortuné émarge en moyenne à 143 600 euros, le quart le moins bien loti se contente d’un résultat net de 40 000 euros.
Spécialistes : situations hétérogènes, poids des charges
Pour les spécialistes libéraux, l’année 2013 ne restera pas marquée d’une pierre blanche. Certes, quelques disciplines ont tiré leur épingle du jeu comme les pneumologues (+5,2 %), stomatologues (+4,8 %), gynécologues obstétriciens (+4,3 %), ou encore les endocrinologues (+5,9 %) qui restent néanmoins tout en bas de l’échelle des revenus médicaux (lire aussi page 3).
Mais la majorité des spécialités - 12 sur les 23 étudiées - ont subi une régression de leur résultat. 2013 aura été une année délicate non seulement pour les spécialités cliniques (psychiatres, -1,5 % ; dermatologues -3,4 %; pédiatres -4 %), mais aussi pour les disciplines techniques ou médico-techniques (cardiologues, -2 %; gastroentérologues, -2,3 %). La médecine physique et de réadaptation connaît pour la seconde année une baisse sévère de revenu. Les chirurgiens généraux subissent une érosion de près de 12 % de leur BNC en deux ans.
Plusieurs facteurs expliquent cette année morose. Certaines spécialités ont enregistré une nette baisse d’activité. C’est le cas pour la médecine physique, les chirurgiens généraux et urologues. « La tendance est de réduire les interventions chirurgicales, observe le Dr Patrick Gasser, président de l’Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE-CSMF). Et pour les urologues, certaines molécules sur le marché entraînent un recul de la date d’intervention qui parfois n’a pas lieu. »
Côté tarifs, 2012 avait apporté son lot de revalorisations ciblées (pour les gynécologues, psychiatres, pédiatres...) alors que 2013 a été une année quasi-blanche pour les spécialistes. Les cliniciens ont certes bénéficié de la majoration des consultations grand âge mais sur une part forcément limitée de leur activité.
De source syndicale, les praticiens n’ont pas utilisé autant que possible la cotation C2 pour un avis de consultant (désormais possible tous les 4 mois). Surtout, les spécialistes ont moins bénéficié que les généralistes des premiers dividendes de la ROSP versés en 2013. Hormis les cardiologues, ils n’étaient éligibles qu’au volet d’organisation du cabinet (au maximum 1 750 euros).
Enfin, les charges totales des spécialistes – loyers, impôts, assurances et charges sociales – qui avaient bondi en 2012 (jusqu’à 8% de hausse), sont restées très élevées. Leur poids représente selon les disciplines 30 % à 55 % des recettes encaissées - stomatologues et radiologues affichent les taux de charges les plus élevés même si ces derniers ont fortement réduit leurs frais de personnel et leurs investissements).
Un dernier élément a pesé sur l’évolution des revenus. « L’avenant 8 a amené certains praticiens de secteur II à modérer leurs dépassements d’honoraires », souligne le Dr Gasser (UMESPE). De fait, le taux moyen de dépassement a légèrement baissé pour atteindre 56,3 % du tarif Sécu en 2013, confirme l’assurance-maladie (56,9 % en 2011).
Pas de visibilité
2014 ne se présente pas sous les meilleurs auspices. « Pour les spécialités, il n’y a aucune visibilité et une angoisse autour des charges, analyse Pierre Giroux (conférence des ARAPL). La plupart ne font aucun investissement, c’est l’encéphalogramme plat. Par exemple, la question de la mise aux normes de leurs locaux pour les personnes handicapées reste un vrai souci ».
Quant aux médecins généralistes, « ils refusent de travailler encore davantage car leur revenu marginal est surtaxé, et les jeunes qui arrivent ne veulent pas travailler autant que leurs aînés », ajoute cet expert. La profession n’attend aucun miracle non plus du côté de la CNAM où les seules négociations en cours portent sur les nouvelles rémunérations des équipes, dans un contexte de forte contrainte sur les dépenses maladie.
* Traditionnellement, le BNC moyen des médecins du réseau des ARAPL est un peu supérieur à la moyenne nationale (mesurée plus tard par la CARMF) en raison d’un poids plus important des gros cabinets médicaux et du secteur II.
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