On dira ce qu'on voudra, une troupe, ce n'est pas rien. Et celle de la Comédie-Française, celle qui fonde la Maison même, c'est quelque chose... Ce petit moment de grand théâtre en est la preuve par le jeu ! Alain Pralon, sociétaire - il est tout en haut de la liste, pas mal d'années qu'il est là ! - aime Alexandre Dumas. C'est lui qui propose ce divertissement qui est un hommage amusé et charmeur au grand écrivain. Il ne s'est pas perdu dans d'inutiles coquetteries, Pralon. Il a fait confiance à l'alacrité de Dumas et à la sûreté de ses souvenirs, à l'acidité de son encre.
Il prend le chapitre que Dumas lui-même intitule : « Mon odyssée à la Comédie-Française » et en fait la matière d'un spectacle ravissant et drôle. Pas d'autre décor qu'un grand écran posé sur le plateau du Studio-Théâtre. On y projette des images, par exemple des encres aquarellées de Régis Faytre qui représentent la salle Richelieu ; ou bien on s'en sert pour des ombres chinoises grâce aux lumières d'Eric Dumas. Cela vous donne immédiatement, et sans cruauté, l'une des couleurs de l'esprit dans lequel l'auteur de « Christine à Fontainebleau » (sa première pièce « reçue » par le redoutable Comité) : Dumas les voit un peu comme des marionnettes, ces acteurs qui lui font des caprices et le flattent pour obtenir des rôles et écarter leurs rivaux, leurs rivales. Mlle Mars, dessinée d'un trait féroce mais touchant par une Claire Vernet amusée, est l'image idéale de ce monde. Les manières ont changé, mais pas les âmes... C'est ce qu'admet Alain Pralon qui joue lui-même Picard et qui dirige avec tact ses camarades : Michel Favory, Alain Lengley, Laurent Natrella font quelques apparitions précises et efficaces d'auteurs, administrateurs, de comédiens, tandis qu'incarnant un jeune Dumas délicieusement lucide, Jérôme Pouly se délecte.
C'est bref, vif, incisif, un merveilleux moment pour qui aime le théâtre et cette maison fascinante. Pour qui aime le spectacle tout simplement !
Studio-Théâtre de la Comédie-Française, à 18 h 30 du mercredi au dimanche. Jusqu'au 18 mai. Durée : 1 h 30 (01.44.58.98.58). Le texte de l'adaptation d'Alain Pralon est publié par Maisonneuve & Larose (10 euros), ainsi que les « Souvenirs dramatiques ».
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