Un mystère régnera éternellement sur les circonstances de la création, ou plutôt de la « non-création », des « Boréades », de Rameau (1683-1764), dont les répétitions furent interrompues en 1763, non par la mort du compositeur mais plutôt par une cabale ou la censure, le livret étant pour l'époque jugé subversif, car glorifiant la liberté.
Tragédie-lyrique en cinq actes, « Les Boréades » méritent-elles leur appellation avec leur livret plutôt optimiste issu de la mythologie gréco-romaine et le happy end, magnifique duo d'amour entre la jeune reine Alphise, promise par tradition à un descendant du Dieu Borée, mais lui préférant - qui l'en blâmerait - un fils d'Apollon ?
Le livret, attribué à Louis de Cahusac, est au niveau de qualité de la grande tragédie française et William Christie s'est efforcé de la rendre audible, ayant lancé à ses chanteurs le défi d'être compréhensibles jusqu'au dernier rang du théâtre. Défi partiellement relevé car, même au premier rang, la moitié des solistes ne l'étaient pas. On se demande d'ailleurs pourquoi avoir choisi l'excellent soprano américain Barbara Bonney dont la spécialité est ailleurs que dans le chant ramiste qu'elle ne déclame pas comme il se doit (ce qui avait été constaté à Salzburg en 1999) et dont l'absence de présence scénique annule tout relief au rôle de la reine Alphise, à moins que cela soit un effet expressément voulu. En revanche, le Français Nicolas Rivenq, rompu à ce chant déclamatoire, était un magnifique et parfaitement intelligible Apollon. De même, les deux prétendants « boréens », Toby Spence et Stéphane Degout, justifiaient-ils entièrement la présence du surtitrage. Paul Agnew, ténor britannique souvent sollicité par William Christie, était partiellement compréhensible mais pas toujours assez engagé vocalement dans son rôle d'Abaris, le prétendant apollinien.
L'énorme réussite de ces « Boréades » repose sur le travail des Arts Florissants, chur et orchestre et de leur chef William Christie. La partition contient des beautés avec lesquelles aucun autre opéra de cette époque et même de Rameau ne peut rivaliser. Christie a obtenu, avec un temps de répétitions substantiel, le meilleur de tous ses instrumentistes et choristes mais surtout une parfaite cohérence de l'ensemble. A le voir diriger, on ne doute aucune seconde de l'ardeur de son amour pour cette musique et que ce perfectionnisme ait un prix qu'il paie rubis sur l'ongle.
En matière de mise en scène, le chef a déclaré préférer le modernisme à la ringardise. Robert Carsen, metteur en scène canadien aux débuts fracassants dans le théâtre lyrique, vit aujourd'hui largement sur ses acquis et bon nombre de tics issus de très bonnes idées lui servent de routine. Puisque c'est la première fois qu'il aborde ce domaine de la musique française du XVIIIe avec l'idée de rendre compte de la modernité de composition de Rameau, et ceci avec l'aval du maître d'uvre musical, on ne peut qu'être indulgent.
Force est de reconnaître qu'une présentation aussi manichéenne de l'histoire, les austères boréens en noir, les solaires apolliniens en blanc, peut être réductrice surtout quand tant de laisser aller vestimentaire règne dans ce dernier camp. Cependant quelques belles images, le travail sur le contraste entre les saisons, une direction d'acteurs soignée et intelligente, tendent à donner raison à Christie et au Diable la ringardise !
Si modernité il y a, elle est beaucoup plus imputable à la présence de la compagnie canadienne La La La Human Steps, d'Edouard Lock, dont la chorégraphie extrêmement nerveuse, décomposée et non exempte d'un certain maniérisme, sied assez bien aux intermèdes dansés, bien que certains choix esthétiques vestimentaires ne sont pas toujours très heureux.
Avec tous ces contrastes on aura compris que ces « Boréades » ne laissent pas indifférents et sont un des spectacles lyriques les plus stimulants d'une saison qui ne l'est pas toujours.
Opéra-Garnier (08.92.89.90.90) les 8, 10,15 et 17 avril à 19 h 30 ; le 13 à 15 heures. Théâtre de Caen les 26 et 28 avril à 20 h ; la production sera montrée ensuite à la Brooklyn Academy de New York en juin et donnée en concert au Barbican Center de Londres en version de concert le 19 juin.
La saison lyrique 2003/2004
L'Opéra de Paris vient d'annoncer le programme de la saison prochaine, dernière de l'actuel directeur Hugues Gall. Nouvelles productions de « Salomé », de R. Strauss, par Lev Dodin avec Karita Mattila, Chris Merritt, Falk Struckman et Anja Silja, « le Trouvère », de Verdi, par Francesca Zambello avec Roberto Alagna et Dolora Zajick, de « Ariadne à Naxos » et « Capriccio », de R. Strauss (ce dernier avec Renée Fleming), une création mondiale de « l'Espace dernier », de Matthias Pintscher (né en 1971), d'après Rimbaud, « Otello », de Verdi, par Andrei Serban, avec Vladimir Galouzine et Barbara Frittoli, de « l'Heure espagnole », de Ravel, et « Gianni Schicchi », de Puccini, dirigés par Seiji Ozawa. Parmi les reprises importantes : « les Indes galantes », de Rameau, par les Arts Florissants, « Lulu », de Berg avec Laura Aikin et Anja Silja, « Peter Grimes », de Britten, « Manon », de Massenet, « Alcina », de Haendel et « la Damnation de Faust », de Berlioz, dans la spectaculaire production de Robert Lepage, avec Paul Groves et Samuel Ramey. Le film « Napoléon », d'Abel Gance (1927), sera projeté les 21 et 28 avril, avec la musique de Honneger et Constant, par l'orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Laurent Petitgirard.
Renseignements et réservations : 0892.89.90.90 et www.opera-de-Paris.fr.
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