L’essai multicentrique randomisé de phase III, CARMENA, a inclus entre 2009 et 2017, 450 patients atteints de cancer du rein métastatique d’emblée (représentant environ 20 % des cancers du rein). Ces patients, de pronostic intermédiaire ou mauvais, avaient un cancer du rein à cellules claires, une tumeur de grande taille (plus de 80 mm en moyenne) et un bon état général (PS 0-1). « Le but de l’étude était de savoir s’il y a encore une nécessité à retirer la tumeur primaire chez ces patients », explique le Pr Mejean. Dans cette étude académique de non-infériorité publiée au New England Journal of Medicine, les sujets étaient traités par néphrectomie, puis 3 à 6 semaines après par sunitinib (Sutent), ou directement par sunitinib sans subir d’ablation du rein.
Une survie globale favorable au sunitinib en première intention
Avec un suivi médian de 50,9 mois, les résultats montrent une survie globale médiane de 18,4 mois dans le bras sunitinib seul contre 13,9 mois dans le groupe néphrectomie suivi de sunitinib (HR = 0,89). « Non seulement ce n’est pas inférieur mais la survie est meilleure, s’enthousiasme le Pr Mejean face à ce résultat inattendu. Aujourd’hui, cela modifie le « standard of care » ; ces patients ne doivent pas être opérés mais traités en première intention par le sunitinib ». La survie sans progression était également en faveur du bras sunitinib seul : 8,3 mois versus 7,2 mois en cas de néphrectomie préalable (HR = 0,82). De même, le bénéfice clinique (contrôle de la maladie au-delà de 12 semaines) était supérieur chez les patients sous sunitinib seul (47,9 % versus 36,6 %, p = 0,022). « Il n’y a aucune perte de chance à traiter le patient en première intention, ce qui n’empêche pas de l’opérer secondairement ». Ainsi, 38 des patients traités en première intention par sunitinib ont été opérés ensuite, en raison de symptômes de tumeur primaire pour 7 d’entre eux (nécrose ou hémorragie), ou de réponse complète (ou quasi complète) sur les métastases chez 30 patients.
Des résultats transposables à d’autres traitements ?
« La question est de savoir si les résultats démontrés avec le sunitinib peuvent être extrapolés à d’autres molécules », reconnaît le Pr Mejean. « Avec l’immunothérapie, l’intérêt de traiter en première intention sera encore plus vrai. Plus on est actif avec le traitement médical, plus il y a de raisons de commencer par le traitement médical », répond à cette question le Dr Bernard Escudier (IGR, Villejuif), qui avait présenté, lors du dernier congrès de l’ESMO, l’étude CheckMate 214 montrant la supériorité en première ligne métastatique de l’association nivolumab-ipilimumab par rapport au sunitinib.
Cependant, les résultats de l’étude CARMENA ne concernent en situation métastatique que le groupe de patients étudiés. « La néphrectomie garde encore sa place dans certaines indications : métastase unique, très petits nodules pulmonaires, autre tumeur que le carcinome à cellules claires… », tient à préciser le Pr Mejean.
D’après un entretien avec le Pr Arnaud Mejean, chef de service d’urologie à l’hôpital européen Georges-Pompidou (APHP, Paris) et les commentaires du Dr Bernard Escudier, oncologue médical à l’Institut Gustave Roussy (Villejuif).
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