A la phase aiguë d’un infarctus du myocarde

Un brassard peut préserver le cœur

Publié le 21/03/2010
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Crédit photo : S Toubon

« Alors que les techniques de revascularisation myocardique améliorent le pronostic de patients à la phase aiguë d’un infarctus, expliquent les Prs Michel Ovize et Éric Bonnefoy des Hospices Civils de Lyon, dans un éditorial publié dans le «Lancet», le phénomène de reperfusion peut entraîner des lésions irréversibles sur le myocarde ischémié et atténuer ainsi les bénéfices attendus de l’intervention». Des cardiologues danois viennent d’évaluer une solution simple et efficace pour contrer ce syndrome de reperfusion : gonfler et dégonfler un brassard à tension. Une ischémie transitoire d’un membre semble en effet protéger à distance le cœur soumis à une ischémie prolongée. L’équipe du Dr Hans Botker a montré que provoquer une ischémie du bras, via un brassard à tension, chez des sujets ayant un infarctus et conduits en urgence à l’hôpital pour coronarographie améliorait le sauvetage myocardique. À trente jours, la taille finale de l’infarctus à la scintigraphie MIBI était moindre dans le groupe conditionnement par rapport au groupe contrôle.

Index de sauvetage.

Ce conditionnement ischémique à distance était réalisé à l’aide 4 cycles alternant 5 minutes de gonflement et 5 minutes de dégonflement d’un brassard à tension. Plus de 330 sujets avec suspicion d’infarctus du myocarde ont été inclus dans l’étude et randomisés en deux groupes, coronarographie seule ou avec conditionnement ischémique préalable. Les patients éligibles présentaient une douleur thoracique de moins de 12 heures avec sus-décalage du segment ST de ≥1 mV dans deux dérivations contiguës. La prise en charge convenue sur place au téléphone était le transfert hospitalier pour coronarographie percutanée primaire. Avant l’intervention, l’ensemble des participants recevaient 300 mg d’aspirine IV ou per os, 600 mg de clopidogrel IV ou per os et 10 000 UI d’héparine non fractionnée par voie IV. Le critère principal de jugement était l’index de sauvetage myocardique à 30 jours après l’intervention percutanée, mesurée à la scintigraphie myocardique au MIBI, SPECT en anglais (single photon emission computed tomography).

Plus de quatre-vingts patients ont été exclus à leur arrivée à l’hôpital, 32 perdus de vue et 77 n’ayant pas réalisé la scintigraphie lors du suivi. L’index de sauvetage médian était de 0,75 (0,50-0,93, n = 73) dans le groupe conditionnement versus 0,55 (0,35-0,88, n = 69) dans le groupe contrôle, avec une différence médiane de 0,10 (IC 95 0,01-0,22, p = 0,0333). Quant à l’index de sauvetage moyen, il était de 0,69 (0,27) versus 0,57 (0,26), avec une différence moyenne de 0,12 (IC 95 0,01-0,21, p = 0,0333). Les principaux effets secondaires de la coronarographie étaient le décès (n = 3 dans chaque groupe), réinfarctus (n = 1 dans chaque groupe) et insuffisance cardiaque (n = 3 dans chaque groupe). L’effet protecteur du conditionnement ischémique semble plus fort en cas d’occlusion vasculaire totale et de topographie située sur l’interventriculaire antérieure (IVA).

Concept de cytoprotection innée.

Le conditionnement ischémique correspond à un nouveau concept pour traiter l’infarctus aigu : la cytoprotection innée. Ce phénomène d’origine mitochondriale et inflammatoire pourrait s’additionner aux bénéfices de la reperfusion seule. Les résultats danois confirment ainsi les résultats de quelques études récentes ayant testé le pré- ou le postconditionnement à distance par ischémie de membre. Contrairement au postconditionnement, le préconditionnement n’est pas réservé qu’aux patients traités par reperfusion mécanique. Le conditionnement à distance pourrait ainsi se révéler efficace en cas d’ischémie traitée par thrombolyse, qu’il s’agisse d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral. Cette méthode, peu chère et facile à réaliser, dès le transport vers la structure hospitalière, pourrait être associée à la reperfusion, qu’elle soit mécanique ou pharmacologique.

The lancet, volume 375, 727-734, 27 février 2010.

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8718