Alors que l’insuffisance cardiaque (IC) est une des grandes indications de la réadaptation, trop peu de patients y ont accès, en France comme plus globalement en Europe et aux États-Unis. Une étude nord-américaine récente a montré que près de 90 % des patients éligibles à la réadaptation n’en bénéficiaient pas, plus particulièrement en cas comorbidités et de mauvaise couverture sociale. La réalisation de procédures interventionnelles au cours de l’hospitalisation, le sexe masculin et un jeune âge étaient des facteurs favorisant le suivi d’un programme de réadaptation cardiaque.
Un des freins à l’accès à la réadaptation tient à son organisation même, son manque global de structures, et plus particulièrement de structures de proximité. « 44 % des centres de cardiologie générale n’ont pas de service de réadaptation, et 17 % des centres de réadaptation n’ont pas de protocole spécifique pour l’IC », a regretté le Pr Thibaud Damy (Créteil). De plus, les centres se trouvent souvent en milieu rural, ce qui pose des problèmes d’accès.
Simplicité des messages et des parcours de soins
Pour améliorer la diffusion de la réadaptation, plusieurs voies sont possibles : motiver les médecins hospitaliers, donner des messages clairs et unifiés, identifier et rapprocher les structures, impliquer les médecins libéraux et éduquer les patients. « La prise en charge doit évoluer pour se faire au plus près des patients, idéalement à domicile », a insisté le Pr Damy, avant de préciser que le groupe Insuffisance cardiaque et Cardiomyopathies (GICC) de la Société française de cardiologie travaille actuellement à l’élaboration de messages simples et de parcours de soins plus pratiques.
L’observance des patients aux programmes est un autre enjeu. Les résultats de l’étude HF-ACTION, menée il y a une dizaine d’années chez des patients ayant une IC avec fraction d’éjection ventriculaire gauche altérée, avaient fortement déçu, car la réduction de la mortalité et des décès de toutes causes n’avait été que de 11 % dans le groupe « programme de réhabilitation ». « Mais l’analyse plus fine des résultats montre qu’en fait plus de la moitié des patients du bras réadaptation ne pratiquait que peu, voire pas du tout, les exercices demandés à domicile », a relativisé le Dr Florian Zores (Strasbourg).
« La réadaptation ne se limite pas à l’exercice physique ; elle comprend une partie importante d’éducation thérapeutique, et il est aujourd’hui bien établi que l’absence de réadaptation est un facteur de mauvaise observance à l’ensemble de la prise en charge », a de son côté rappelé le Dr Jean-Michel Tartière (Toulon), qui plaide pour une meilleure adaptation de la réhabilitation cardiaque au profil des patients. Il paraît ainsi préférable d’orienter les patients, y compris sévères, vers les soins de suite et de réadaptation, de préférence en ambulatoire, après une hospitalisation pour insuffisance cardiaque aiguë ; d’adresser à un centre de réadaptation avec un cardiologue sur place ceux dont la prise en charge (traitement médical et mesures hygiéno-diététiques) n’est pas optimisée, et de développer des programmes d’activité physique pour ceux qui suivent bien leur traitement mais sont peu actifs.
D’après les présentations du Pr Thibaud Damy (hôpital Henri-Mondor, Créteil, APHP) et des Drs Florian Zores (cardiologue libéral à Strasbourg) et Jean-Michel Tartière (hôpital Sainte-Musse, Toulon)