Médecine personnalisée

Un plaidoyer pour la CRP

Publié le 13/12/2018
Article réservé aux abonnés
CRP

CRP
Crédit photo : PHANIE

La protéine C réactive (CRP) est sécrétée par le foie en réponse aux signaux inflammatoires véhiculés par les cytokines dites pro-inflammatoires produites par les macrophages, cellules de l’immunité innée. Ses concentrations ont été assez fréquemment analysées en périphérie, en population générale comme psychiatrique, et notamment dans le plasma des sujets souffrant de dépression caractérisée.

En population générale, un certain nombre d’études ont permis de montrer qu’une augmentation des concentrations plasmatiques de CRP ultrasensible (CRPus) est associée à un risque accru de développer des symptômes dépressifs dans les mois ou années qui suivent (1). Ces données se sont vues confortées par l’élévation des concentrations de CRPus retrouvée, selon les études, chez de 15 à 30 % des patients déprimés (2, 3), permettant aussi de repérer certaines comorbidités somatiques comme les maladies inflammatoires chroniques, le diabète, l’obésité ou les pathologies cardiovasculaires. Des liens ont également été établis avec la sévérité clinique de la dépression, notamment celle de symptômes comme l’anhédonie ou l’aboulie (4).

Une action centrale démontrée

La CRPus mesurée en périphérie (comme c’est le cas habituellement) reflète celle évaluée au niveau central dans le liquide céphalorachidien des patients (5). L’inflammation est aussi connue pour contribuer activement à la production cérébrale de dérivés aux propriétés neurotoxiques, par activation du système glutamatergique. Dans ce contexte, les concentrations périphériques de CRPus chez les patients déprimés ont été positivement corrélées aux niveaux de glutamate appréciés par spectroscopie de résonance magnétique nucléaire au sein des ganglions de la base impliqués dans la production de comportements principalement orientés vers l’obtention d’une récompense (6). La CRPus apparaît également prédire les altérations neuroanatomiques comme la réduction du volume de l’hippocampe, reconnue pour jouer un rôle important dans la détérioration des performances mnésiques rapportée chez les patients déprimés (7).

Prédire la réponse aux antidépresseurs

La CRPus mesurée en périphérie permettrait enfin de déterminer la réponse aux antidépresseurs, en ce sens que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, comme l’escitalopram, seraient peu ou non efficaces chez les patients déprimés montrant des stigmates biologiques d’inflammation à bas bruit identifiés sur la base de concentrations supérieures à 1 mg/L (8).

Si les travaux suscités ont eu préférentiellement recours à l’utilisation de la CRPus pour apprécier le statut inflammatoire, il n’en reste pas moins que le dosage standard de la CRP semble particulièrement utile dans le champ des maladies psychiatriques. Il permettrait déjà de dépister les états inflammatoires associés à la dépression caractérisée, de même qu’il est susceptible de guider le choix du traitement à proposer, constituant les prémices d’une médecine plus personnalisée.

 

Les ISRS seraient peu ou non efficaces chez les patients déprimés montrant des stigmates biologiques d’inflammation

Centre de référence régional des pathologies anxieuses et de la dépression, centre hospitalier Charles-Perrens (Bordeaux), équipe Nutrition et Psychoneuroimmunologie, laboratoire NutriNeuro (UMR Inra 1286), université de Bordeaux 

(1) Wium-Andersen MK et al. Mol Psychiatry 2013 Aug;18(8):854-5

(2) Raison CL et al. JAMA Psychiatry. 2013 Jan;70(1):31-41

(3) Osimo EF et al. Psychoneuroendocrinology. 2018 May;91:226-234

(4) Kohler-Forsberg O et al. Brain Behav Immun. 2017 May;62:344-350

(5) Felger JC et al. Mol Psychiatry. 2018 Jun 12. DOI : 10.1038/s41380-018-0096-3

(6) Haroon E et al. Mol Psychiatry. 2016 Oct;21(10):1351-7

(7) Doolin K et al. Psychoneuroendocrinology. 2018 Sep;95:8-17

(8) Uher R et al. Am J Psychiatry. 2014 Dec 1;171(12):1278-86

Pr Bruno Aouizerate
En complément

Source : Bilan Spécialiste