Douleurs fantômes chez les amputés

Une cryoablation guidée par imagerie soulage les douleurs dans un essai pilote

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Publié le 07/04/2016
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Crédit photo : PHANIE

« Jusqu’ici, les personnes amputées souffrant de douleurs fantômes ont disposé de peu d’interventions médicales parvenant à soulager significativement leur douleur. Dorénavant, avec l’espoir de la cryoablation, ces personnes ont une option thérapeutique viable pour cibler cet effet indésirable persistant de l’amputation », souligne le Dr David Prologo, expert en radiologie interventionnelle à l’université Emory.

Les résultats prometteurs de l’essai pilote ont été présentés à l’occasion du congrès annuel de la Society of Interventional Radiology à Vancouver. « Cette étude est le reflet d’un mouvement beaucoup plus large qui applique les principes de la radiologie interventionelle aux syndromes douloureux historiquement difficiles à traiter », précise-t-il au « Quotidien ». « Entre 2009 et 2012, nous avons développé un service de cryoablation palliative pour congeler les lésions cancéreuses douloureuses. Puis, en 2013, à l’hôpital universitaire de Cleveland, nous avons utilisé la même cryothérapie guidée pour traiter l’éjaculation prématurée chez des patients », ajoute-t-il.

Mécanismes centraux et périphériques

Au moins deux tiers des amputés ressentent à un moment donné des douleurs qui semblent provenir de leur membre fantôme, des douleurs parfois décrites comme des brûlures ou des élancements, ou encore des décharges électriques ou des crampes. Chez certains, ces douleurs fantômes deviennent débilitantes et résistent à tout traitement. Plusieurs mécanismes centraux et périphériques pourraient contribuer à ce phénomène. Par exemple, quand les nerfs endommagés se cicatrisent sous la forme d’un neurome, celui-ci pourrait envoyer de faux signaux douloureux au cerveau. Dès lors, l’ablation par cryothérapie des terminaisons nerveuses fautives pourrait peut-être réduire la douleur fantôme.

Dans un essai pilote, 20 personnes souffrant de douleurs fantômes réfractaires, apparues après une amputation d’un membre pour causes diverses (traumatisme, cancer, maladie vasculaire périphérique, diabète), ont été traitées par cryoablation du neurome sous guidage par scanner, associé dans les cas difficiles à l’échographie.
La thérapie mini-invasive est effectuée en consultation externe. Sous guidage scanner et après détection des terminaisons nerveuses fautives au sein du moignon, une sonde (cryosonde) est insérée à travers la peau vers le neurome ; l’extrémité de la sonde est alors refroidie pendant 25 minutes pour congeler et détruire le neurome.

Les résultats sont prometteurs. Alors qu’avant le traitement, les patients rapportent un indice moyen de douleur de 6,4 points (sur une échelle visuelle analogue de 1 pour absence de douleur, jusqu’à 10 pour douleur extrême), un mois et demi après la cryothérapie, l’indice moyen tombe à 2,4 points. Tous les patients n’ont pas été améliorés, et certains ont été plus soulagés que d’autres.
Les patients continuent d’être suivis. « Nos résultats préliminaires montrent que l’amélioration de la douleur se maintient à 6 mois. Ce traitement prometteur peut cibler des nerfs difficiles à trouver, et aider des amputés à retrouver une meilleure qualité de vie », note le Dr Prologo.

Une étude plus large devrait être menée avec un groupe témoin pour tenter d’identifier des facteurs pouvant prédire la réponse au traitement (âge de l’amputation, taille du neurome, etc.). L’équipe a sollicité une bourse auprès du Département de la Défense pour mener une étude multicentrique dans 6 hôpitaux militaires, avec l’intention d’enrôler 150 vétérans amputés dont la moitié sera traitée par cryothérapie. Les patients témoins non soulagés à 3 mois pourront alors opter pour le traitement.

 

Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin: 9486