Valves aortiques percutanées

Une réelle avancée

Publié le 09/12/2010
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UN GRAND nombre de patients porteurs d’un rétrécissement aortique symptomatique ne sont pas opérables, soit en raison d’un âge trop élevé, soit de pathologies associées. Pour leur éviter la sternotomie sous anesthésie générale et sous circulation extracorporelle, il a donc été imaginé de leur amener la valve de substitution par un vaisseau et, du fait de son large calibre, l’artère fémorale, au pli de l’aine, est toute indiquée.

Deux types de valves commercialisés.

La valve du Pr Alain Cribier (CHU de Rouen), qui a été le premier au monde à réaliser l’implantation d’une valve aortique par voie percutanée, est aujourd’hui développée par la société Edwards LifeSciences. Il s’agit d’une valve sertie sur un ballonnet. Une autre valve bénéficiant, comme la précédente du marquage CE, est disponible. Il s’agit de la CoreValve, commercialisée par Medtronic. Elle se met en place par retrait d’une gaine. D’autres différences existent encore entre les deux valves, comme le type de matériau utilisé (alliage cobalt-chrome pour Edwards, nitinol pour Medtronic), la nature de la valve (péricarde de bœuf pour Edwards, péricarde de porc pour Medtronic) et la hauteur du stent (15 mm pour Edwards, 55 mm pour Medtronic qui est ancré différemment).

Néanmoins, la technique d’implantation de ces deux valves, par voie fémorale, est proche. « On introduit sous rayons X, un cathéter porteur à son extrémité distale d’un stent contenant la valve. Une fois avancé jusqu’à l’orifice aortique, le stent est libéré par gonflage d’un ballonnet ou retrait de la gaine, selon la valve utilisée. La fonction de la nouvelle valve est alors aussi bonne que celle des valves chirurgicales, avec cette différence que l’implantation ne nécessite qu’une simple anesthésie locale », explique le Pr Hélène Eltchaninoff. Toutefois, lorsqu’il n’est pas possible d’emprunter la voie fémorale, parce que le calibre de l’artère est inférieur à 6 mm de diamètre et/ou qu’elle se révèle trop calcifiée, deux alternatives existent. Pour la valve Edwards, il est possible de passer par la pointe du cœur (voie transapicale), mais cette intervention nécessite une mini thoracotomie et se fait sous anesthésie générale, en service de chirurgie cardiaque. Quant à la valve CoreValve, elle peut être introduite par l’artère sous-clavière, toujours sous anesthésie générale et avec un abord chirurgical.

Environ 20 000 valves ont été posées dans le monde et environ 1 000 en France depuis l’obtention du remboursement par la sécurité sociale, fin 2009. Actuellement, seuls les patients récusés par les chirurgiens ou considérés par l’équipe médicale comme à trop haut risque, peuvent en bénéficier : il s’agit donc d’une indication de deuxième intention, mais les bons résultats hémodynamiques obtenus (équivalents à ceux de la chirurgie) pourraient bien changer la donne dans l’avenir. « Chez les malades pour lesquels nous disposons d’un recul de 3 ou 4 ans, aucune dégénérescence de la valve n’a été notée, ce qui est très prometteur » confirme le Pr Eltchaninoff. Aujourd’hui, en France, seulement 33 centres sélectionnés par le ministère de la Santé sont autorisés à faire ce type d’implantation.

Des études comparatives sont indispensables.

Dans une équipe bien rôdée, la mortalité à 1 mois est de 3 à 12 %. Une seule étude randomisée contre la chirurgie traditionnelle (patients à haut risque) ou le traitement médical (patients inopérables) a été réalisée. Il s’agit de l’étude américaine PARTNER qui compare la mortalité à un an, suivant le type de traitement. Les résultats concernant les patients inopérables viennent d’être publiés (1) : ils mettent en évidence une très grande supériorité de la valve percutanée à un an par rapport au traitement médical, ce qui est très positif.

Les résultats concernant les patients à haut risque de cette étude seront connus en mars 2011, avec l’espoir de confirmer des résultats au moins similaires dans les deux groupes. « Si cela se vérifie, l’étape suivante serait de montrer, dans une autre étude randomisée, qu’on obtient les mêmes résultats chez des patients sans risque particulier hormis leur grand âge ou alors, avec un risque moins élevé », poursuit le Pr Eltchaninoff.

« Les principales complications rencontrées – qui devraient diminuer avec une sélection rigoureuse des malades – sont l’obstruction d’une coronaire (1 % des cas), la rupture de l’anneau aortique (moins de 1 %), la tamponnade (2-3 %) et la rupture de l’artère fémorale ou iliaque (6-7 %). Parfois encore, une insuffisance aortique paravalulaire sévère se produit (moins de 1 % des cas), traduisant une mauvaise apposition du stent (d’où l’importance de bien choisir la taille du stent à poser). Une fuite très modérée reste bien tolérée. Enfin, il est parfois nécessaire de devoir implanter un pacemaker, plus fréquemment avec la CoreValve (25 %-30 %) qu’avec la valve Edwards (4-5 %) ou la chirurgie classique du rétrécissement aortique » conclut le Pr Eltchaninoff.

D’après un entretien avec le Pr Hélène Eltchaninoff, CHU de Rouen.

(1) Leon MB, et al. N Engl J Med 2010; 363:1597-1607.

Dr NATHALIE SZAPIRO
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Source : Bilan spécialistes