Un vol d’oiseaux, les monuments aux trois quarts détruits emmaillotés, deux carabiniers qui montent la garde, des magasins fermés et le silence entrecoupé par les hurlements du vent glacial. Détruite le 30 octobre par un terrible séisme de magnitude 6.5 sur l’échelle de Richter, la cité médiévale de Norcia, située à deux cents kilomètres au nord de Rome, ressemble à une ville fantôme.
La vie s’en est allée malgré la présence de trois mille habitants pour la plupart transférés dans des habitations provisoires en bois, plantées au-delà de la ceinture des remparts à moitié effondrés sous les coups de boutoir du séisme.
À l’autre bout de la ville, les deux pharmacies de Norcia et le cabinet des vétérinaires déplacés dans trois conteneurs se partagent un terrain vague. Ici aussi, tout respire la tristesse comme dans le petit hôpital planté de l’autre côté de la rue. Sur le parvis, un petit conteneur accueille le standard. Les deux étages qui ont résisté au tremblement de terre sont quasiment vides. Un seul médecin de garde à trois heures de l’après-midi, trois opérateurs paramédicaux qui trompent l’attente et le froid en contrôlant le matériel. Dehors, les conteneurs offerts par La Croix rouge italienne pour accueillir les services de radiologie, le laboratoire et la médecine générale. En mai dernier, la région a évalué la remise en ordre de l’hôpital à quelque 8 millions d’euros et à 14 millions la construction d’une structure accueillant 40 postes lits pour remplacer la partie inaccessible depuis le séisme. En novembre dernier, la princesse Cheikha Ahmad Al Amtha Al Sabah de la famille régnante koweïtienne et présidente du Centre des Œuvres de Volontariat du Koweït, en visite officielle à Norcia, a proposé de financer la reconstruction de la structure. Des discussions sont en cours avec les autorités régionales et municipales pour brosser une feuille d’intervention.
« La santé est menacée »
En attendant, le personnel médical tente de faire fonctionner l’hôpital. « Nous avons réussi à remettre en route plusieurs services dont la cardiologie. Mais nous manquons de l’essentiel, il n’y a plus les 25 postes lits et les patients doivent faire 60 kilomètres pour être accueillis ailleurs. L’hôpital est condamné au déclin si les autorités n’interviennent pas », assène le Dr Franco Lanzi, directeur hospitalier. Ce médecin, comme tous ses collègues, lance un appel aux politiques. « Il faut lancer les chantiers au plus tôt. Dans une région aussi défavorisée, il faut intervenir et vite. Un an et demi a déjà passé depuis le drame, la santé est menacée », déplore-t-il.
« Les patients devaient attendre dehors dans une tente »
Dans la zone industrielle où les bâtiments éventrés ressemblent à des squelettes métalliques menaçants, un bloc de modules accueille les cabinets de trois médecins de famille conventionnés, un pédiatre et un dentiste, un kinésithérapeute et un avocat. « Pendant un an et demi, j’ai soigné mes patients à domicile, j’emmenais mon matériel, ma roulette, mon fauteuil pliable… Pour les grosses interventions comme les implants c'était impossible, mais on a essayé de s’arranger », confie le Dr Vito Derla. Le jour de la Saint-Valentin, les trois médecins de famille ont pris possession de leurs cabinets. « Il était temps ! Pendant un an et demi, nous avons reçu les patients dans un conteneur que nous partagions à deux médecins, il n’y avait pas de salle d’attente, les patients devaient attendre dehors dans une tente ou sous la pluie et la neige », confie le Dr Paolo Altea. Il confie sa déception et celle de ses confrères. « Nous avons éprouvé un sentiment d’abandon », ajoute-t-il. « L’Ordre des médecins n’a pas bougé, même pas un mail de soutien au lendemain du séisme. Le président de l’Ordre régional est venu à Norcia pour un congrès un an après la catastrophe ! L’hôpital est dans une situation catastrophique, le chef de service de la Chirurgie est parti et n’a pas été remplacé », déplore le Dr Altea.
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