CONTRIBUTION - Les propos de M. le professeur Diot dans « Le Quotidien du Médecin » (cf. « Pr Patrice Diot : "les réformes des études sont très cohérentes" », 15/10/2021) sont tout simplement scandaleux. « Les réformes des études sont très cohérentes mais cela n'a malheureusement pas été perçu », dit-il. Il s’agit là d’une phrase qui démontre bien l’attitude de l’université vis-à-vis de nos étudiants depuis deux mois, à savoir leur incapacité à reconnaître leurs erreurs tout en les rejetant sur les étudiants.
Le Pr Diot dit : « Il faut diversifier les profils des futurs médecins pour qu’ils répondent mieux aux besoins de la société. Jusqu’alors, ceux qui entraient en médecine étaient systématiquement de très bons bacheliers, scientifiques, issus des métropoles et souvent de milieux favorisés. (...) Avec la réforme, nous allons intégrer des étudiants, peut-être moins scientifiques, mais avec d'autres compétences personnelles, issus de milieux (...) plus diversifiés. » Cela nous amène à penser que ce que nous estimions être de l’incompétence, voire des soucis liés à la mise en place de la réforme en période sanitaire, n’était en fait qu’une instrumentalisation de la réforme, voire un véritable plan d’action pour réaliser une sorte de discrimination positive. Ainsi, nous pouvons en déduire que si l’université de Paris (comme d’autres en France) a décidé de mettre un pourcentage de 72 % à l’oral, c’est pour dévaluer la note des épreuves écrites qui, selon M. le professeur Diot, serait l’apanage des milieux aisés.
Profils littéraires, profils scientifiques
Ainsi, être issu d’un milieu CSP+ serait pour lui la raison de la désertification médicale ; et pour y remédier il faut absolument dévaloriser les épreuves qui pourraient favoriser des profils scientifiques. Il parle « d’autres compétences personnelles » : il faudra nous expliquer comment une université est capable d’estimer ces autres compétences (sans les préciser d’ailleurs) avec deux oraux de 10 minutes sur des sujets hétéroclites pour ne pas dire farfelus. Il faudra que le Pr Diot puisse donner sa recette aux entreprises qui recrutent : ainsi après avoir sauvé notre pays de la désertification médicale, il pourra le sauver quant aux difficultés de recrutement.
À la question « Avec la réforme, avez-vous vu des étudiants littéraires intégrer les études de médecine ? », le Pr Diot répond : « Oui j’en ai vu ! Mais ça n’a pas été mesuré précisément pour l’instant. Dans ma faculté, j’ai justement demandé au service pédagogique de faire une analyse comparative entre nos anciens étudiants PACES et ceux des nouvelles filières, en termes de bac obtenu, de mention, d’origine géographique… Je souhaite aussi analyser ces résultats en fonction notamment des résultats obtenus l’oral. Cet oral a été très mal perçu, alors que nous avons estimé que c’était justement une façon de diversifier les profils. »
CSP+ et bac S s'abstenir…
Nous comprenons que l’intérêt du Pr Diot porte plus sur des statistiques qui permettraient de vérifier que les profils de ceux qui seront nos futurs médecins correspondent bien à cette discrimination positive qui ne dit pas son nom. M. Diot veut s’assurer que la « tactique » de l’oral est bien celle qui lui permettra de réaliser son rêve, celui de médecins littéraires, artistiques, mais surtout pas scientifiques. Nulle mention d’un éventuel intérêt pour des notions, sans doute trop terre à terre, qui viserait à estimer si ces profils seront de bons médecins. Par contre, nous comprenons bien que dorénavant, pour aspirer à des études de médecine, il vaut mieux ne pas habiter Paris, ne pas être issu d’une famille CSP+, ne pas passer de bac S, et si possible ne pas avoir de mention ; mais une année au cours Florent serait appréciée.
À la question « Cette épreuve orale, qui compte pour 30 % en moyenne de la note finale pour accéder aux études de médecine, est très critiquée par les étudiants… », nous précisons que de nombreuses universités sont au-delà de 30 % : Strasbourg, 50 %, Tours, 50 %, Lyon, 50 %, universités de Paris, 70 % (avec la note de rang, plus de 72 %), Brest, 70 %, Corte, 70 %.
Encore une fois, les réponses de M. le professeur Diot sont proches de la mauvaise foi, relevant d’un certain dogmatisme. Ainsi, pour justifier de la présence de certains sujets « hétéroclites » sur des oraux de médecine, il n’hésite pas à évoquer la « santé environnementale » pour justifier d’un sujet sur l’altération de la barrière de corail. Si nous devions évoquer le sujet de l’université de Paris (qui traite de l’esclavagisme au regard de l’enseigne du « nègre joyeux »), il nous répondrait certainement qu’il s’agit de « santé raciale ».
« Et ce qu’on a observé, c’est que les étudiants qui ont échoué à l’oral étaient probablement ceux qui étaient passés par des prépas privées, où l’entraînement les a empêchés d’exprimer une certaine authenticité. » Nous y voilà… Par ces propos, le Pr Diot admet que la mise en place de cet oral vise en particulier des étudiants qui seraient passés par ces prépas. Comment peut-il affirmer que ceux qui ont échoué ont suivi des prépas privées, sachant que les oraux étaient « anonymes » et qu’il semble peu probable que les « prépas privées » échangent leur liste d’étudiants avec les universités. Une idée reçue peut-être… ou une équation : Étudiant CSP + = prépa privée = mauvais médecin = désertification médicale. Nous remarquons aussi le courroux du Pr Diot vis-à-vis de ces prépas privées qui auraient le « toupet » de préparer leurs élèves aux oraux… Un comble quand on sait que l’université a choisi de ne pas le faire…
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