Convoquée devant la Cour de justice de la République, Agnès Buzyn veut « rétablir la vérité des faits »

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Publié le 10/09/2021

Crédit photo : S Toubon

Arrivée un peu avant 9 heures ce matin devant les locaux de la Cour de Justice de la République (CJR), en vue d’une possible mise en examen, Agnès Buzyn a dit se réjouir d’une « excellente opportunité pour moi de m’expliquer et de rétablir la vérité des faits. Et je ne laisserai pas salir l’action du gouvernement… Et je ne laisserai pas salir mon action en tant que ministre alors que nous avons fait tant pour préparer ce pays à une crise sanitaire mondiale qui, je le rappelle, dure toujours ».

Manque d'équipements de protection pour les soignants et pour la population, errements sur la nécessité ou non de porter des masques… Neuf plaintes ont été jugées recevables par la commission des requêtes de la CJR, entraînant l'ouverture d'une enquête en juillet 2020. À ce jour, 18 000 plaintes ont été enregistrées par la CJR – seule instance capable de juger des ministres en exercice - contre la gestion de la pandémie par le gouvernement.

Agnès Buzyn est notamment entendue pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « abstention de combattre un sinistre », motif référant à l’article 223-7 du Code pénal qui condamne à 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende « quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes ».

Tollé

Alors que le monde commençait à prendre peur après les informations alarmantes venant de Wuhan, en Chine, celle qui est hématologue de formation avait pris la parole à l'Élysée le 24 janvier 2020 pour dire : « les risques de propagation du coronavirus dans la population sont très faibles ». Avant de préciser que cette analyse pouvait « évoluer ». Mi-février, elle était remplacée par Olivier Véran et quitte le gouvernement pour briguer la mairie de Paris.

Mais quelques jours après sa défaite électorale, alors que la France se confine, elle crée un tollé en disant dans « Le Monde » du 17 mars 2020 : « quand j’ai quitté le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous ». « Depuis le début je ne pensais qu'à une seule chose : au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c'était une mascarade », avait-elle encore dit au quotidien, au sujet du processus électoral. Olivier Véran et Édouard Philippe seront, eux aussi, entendus prochainement par la CJR, pour les mêmes motifs.

Réactions mitigées

Interrogé jeudi au sujet de la convocation d'Agnès Buzyn, Jean Castex a répondu qu' « un chef de gouvernement ne peut pas commenter un processus judiciaire en cours ». Mais d’ajouter : « il faut à tout prix éviter (…) que la paralysie guette l'action des pouvoirs publics au moment ou au contraire on a besoin des décisions pour faire face à des crises ». Le Premier ministre considère que l’ancienne ministre de la Santé « a pris les décisions que les circonstances lui commandaient de prendre ».

Pour Bernard Jomier, médecin généraliste et sénateur apparenté PS, interrogé par France Info, il « y a un risque de judiciarisation de la vie politique dans notre pays », assurant que « d'autres mises en examen auront certainement lieu car d'autres responsables politiques ont été en fonction depuis ». Du côté de l’opposition, pour Alexis Corbière, député La France Insoumise, la convocation d’Agnès Buzyn est « une bonne chose » mais « il ne faut pas de fusible : tous ceux qui avaient le pouvoir à ce moment sont responsables. Lors de la crise, le Parlement n’a pas eu de contrôle sur les décisions prises », explique-t-il sur France 2.

Le milieu médical s’est également exprimé sur le sujet, à l’instar du Pr Gilbert Deray, néphrologue à la Pitié Salpêtrière. « Il est impossible qu’en décembre, Agnès Buzyn ait pu savoir qu’il y allait avoir une pandémie comme nous l’avons eue, c’est strictement impossible, car personne au monde ne l’avait prévu », insiste le médecin au micro de David Pujadas. Sur BFMTV, Didier Raoult s’est lui aussi targué d’un petit commentaire, estimant qu’il « y a un environnement dans les ministères, (…) où il est facile de croire qu’on a tous les pouvoirs. Il faut qu’il y ait un contre-pouvoir, le principe de responsabilité est un principe essentiel ».

Léa Galanopoulo (avec AFP)

Source : lequotidiendumedecin.fr