Les médecins libéraux ont appris via les pharmaciens de leur lieu d’exercice qu’il leur était possible d’effectuer la vaccination des patients ayant entre 50 et 64 ans. Cette dispensation est effectuée par le pharmacien qui organise de son côté les besoins et les adapte à la quantité de vaccins disponible. Afin de pouvoir contenter nos patients demandeurs, nous avons décidé de vacciner les patients éligibles au sein de notre cabinet médical.
Le rôle d’un médecin est d’améliorer la santé de ses patients dans les limites de son champ de connaissance, mais aussi d’agir dans des actions de santé publique (cas de la vaccination de masse d’une population). Nous ne devons pas oublier que même si nous exerçons dans une cité de 5 000 habitants, nous pouvons être considérés comme une zone rurale (Banyuls sur mer est à une distance de 30 km du centre hospitalier le plus proche).
Une organisation longuement réfléchie
Compte tenu de la charge de travail que nous avons du fait de patients ayant des pathologies lourdes et complexes (nous sommes avant tout des médecins généralistes), nous avons bien réfléchi pour déterminer quelles seraient les options les plus simples techniquement, mais aussi permettant d’avoir une importante sécurité lors de la réalisation de la vaccination.
Aussi, afin de pouvoir réaliser de manière rapide sans perdre trop de temps nous avons décidé d’effectuer la vaccination du Covid-19 avec le vaccin AstraZeneca sur une période bien définie en semaine (le samedi après midi) par tranche de 30 patients chaque samedi.
Pour être plus performants, nous avons demandé la participation d’infirmières de notre cité. Deux équipes ont été constituées avec deux médecins et deux infirmières, une au rez-de-chaussée du cabinet et la seconde au 1er étage. Nous avons voulu par ce geste montrer également que nous sommes capables de travailler en pluriprofessionalité.
De plus, les infirmières (chaque samedi nous avons une équipe différente en toute partialité) ont une expertise sur les vaccinations car elles œuvrent déjà dans les différents centres de vaccination. D’autre part, nous pouvons discuter sur les aménagements à faire au sein du cabinet pour obtenir une efficacité plus optimale.
Quelques questions et problèmes rencontrés
En ce qui concerne l’aspect organisationnel, il faut reconnaître qu’il est complexe de composer nos fiches de patients éligibles car nous n’avons pas de listing déjà établi par nos organismes sociaux (ils auraient pu œuvrer dans ce sens auprès des médecins généralistes !). Aussi, c’est grâce au concours de notre secrétaire que nous avons pu établir ces listes. Cependant, nous ne pouvons que constater l’importante réticence de nombreux patients à l’idée de se faire injecter une dose de vaccin AstraZeneca, cela pour deux raisons relayées de manière très répétitive par les médias : les effets secondaires parfois très importants mais fugaces à type de syndrome grippal, une efficacité limitée pour le variant d’Afrique du sud
Pour faire face à ces critiques (il est difficile parfois d’affronter les propos de médias), nous avons mis en avant la notion de passeport vaccinal qui va très rapidement devenir obligatoire pour voyager. Même si l’exécutif se montre réticent à cette idée, il propose une autre alternative (qui est superposable) : le PASS vaccinal. Bien entendu, notre argumentaire s’est révélé souvent très chronophage, et notre secrétaire a reconnu qu’elle consacrait plus de temps à cet exercice qu’à scanner les comptes rendus des patients du cabinet.
Un autre écueil nous a mobilisés : la prise en charge financière des infirmières venant dans notre centre. Nous avons été quelque peu consternés de voir qu’alors que nos dirigeants se sont rapidement démenés pour nous permettre de vacciner les patients au sein de nos cabinets (culpabilité vis-à-vis d’un retard dans la mise en place de la vaccination ?), les différents organismes (ARS, Ordres, syndicats) n’ont pas pu nous répondre à cette sollicitation ou très tardivement. Il a fallu attendre 10 jours après la première annonce effectuée par les pharmaciens pour que ne puissions avoir l’aval de cette possibilité de vaccination avec les autres professionnels de santé, et que l’indemnité dispensée aux infirmières soit clairement établie.
Une expérience enrichissante
Au-delà du travail important que nous avons dû effectuer pour rendre efficace cette organisation, nous avons pu mettre en avant l’intérêt de la pluriprofessionalité lors de ce type d’action.
De plus, de cette manière il est également possible de proposer une nouvelle manière de répartir les tâches avec d’autres professionnels de santé. Autrement dit cette campagne vaccinale nous permet de mieux nous connaître tous, et développer les bases d’une action pluriprofessionnelle.
Sur Banyuls-su- mer, nous n’avons actuellement pas de problèmes d’effectifs médicaux, mais nous sommes conscients que nous devrons dans un futur très proche agir sur les communes limitrophes qui n’arriveront plus à fournir l’offre de soins suffisante pour la population.
C’est la raison pour laquelle au-delà de notre action pour la vaccination, nous souhaitons réaliser une CPTS (Communauté Professionnelle Territoriale de Santé) sur notre secteur, cela avec le concours des autres professionnels de santé disponibles.
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Cliché 1 : Discussion avec la secrétaire en ce qui concerne l’éligibilité des patient
Cliché 2 : Préparation des vaccins par l’équipe d’infirmiers
Cliché 3 : La consultation pré-vaccinale avec explication des effets secondaires, l’administration de la seconde dose 9 semaines après, et de la manière dont la vaccination sera effectuée
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