Depuis quelques semaines, la presse professionnelle nous informe des décisions prises par certains chefs de service des hôpitaux publics. Ces derniers ont décidé de démissionner de leurs fonctions administratives. Cette prise de position est le symbole d’une exaspération de plus en plus grande de ces professeurs (les praticiens hospitaliers sont logés à la même enseigne) qui n’admettent plus de devenir la valeur ajustée d’une administration de plus en plus dirigiste.
Petit historique : il y a plus de 30 ans, le chef de service impulsait une dynamique au sein des services qui favorisait l’émulation du personnel, et de cette manière était la source de la réputation du service. Les médecins hospitaliers étaient la cheville ouvrière des établissements, et ils étaient respectés tant au niveau des décisions qu’au niveau de leurs demandes pour améliorer les soins au sein de leurs services. Leurs demandes étaient la plupart du temps honorées car ils étaient craints par les directeurs des hôpitaux qui connaissaient leur engagement et leur niveau d’étude.
Actuellement les choses ont bien changé, et les médecins doivent obéir aux ordres de petits chefs administratifs (dont le nombre ne fait qu’augmenter) qui ne cessent d’imposer des règles et imposent la rédaction de textes et formulaires souvent inutiles.
Aussi, dès qu’un chef de service ou de pôle (une autre dénomination pour accentuer encore la main mise des énarques qui vivent dans un monde souvent virtuel) décide de changer tel ou tel appareillage, il doit en passer par diverses commissions qui valideront (dans un laps de temps parfois assez long) ou non cette décision.
De plus, les administratifs ne s’importunent pas dans le cadre de restructurations de changer les fonctions d’un service ou de déplacer les services ; j’ai pu observer cela lors de mes déplacements sur Paris.
Des chefs de service éreintés
Cette nouvelle pratique très critiquable et parfois basée sur des critères pas nécessairement économiques, permet de montrer le pouvoir de l’administration. C’est la raison qui a conduit certains médecins à prendre des décisions parfois dramatiques (suicide notamment), et d’autres à mettre leur service « en veilleuse » par dépit.
Cependant, ces situations inconcevables n’ont pas été suivies d’actes de la part des médecins hospitaliers car chacun a préféré le silence plutôt que la confrontation. L’administration est devenue un pouvoir qu’il est impossible d’affronter sans perdre des plumes, ou subir certaines vexations.
Il a fallu que la crise des urgences et les solutions politiques proposées inappropriées soient développées, pour qu’une réaction de ras-le-bol, très ou trop retardée de la part des chefs de service, soit relayée par la presse.
Les chefs de service sont éreintés, réduits au silence le plus souvent, et en plus on ne reconnaît plus leur valeur. Le médecin a perdu de son aura, et il est devenu un bien de consommation au même titre qu’un ouvrier (ce n’est pas péjoratif dans mon esprit). Comment peut-on accepter une telle situation, alors que le médecin devrait être écouté et choyé ? C’est lui qui fait tourner les services, et qui donne la valeur ajoutée aux hôpitaux.
Aussi est-il nécessaire de réduire la charge administrative (le nombre de ces fonctionnaires est démesuré ; souvent plus important que le nombre de médecins) qui est très coûteuse, et redorer l’image des médecins au sein des services. C’est la seule façon que nous aurons pour améliorer la qualité des soins !
« La possession du pouvoir, quelque immense qu’il put l’être, ne donne pas la science de s’en servir. » Honoré de Balzac.
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