Ethique

Comment annoncer une mauvaise nouvelle ?

Publié le 06/03/2009
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L'annonce d'une mauvaise nouvelle à un patient est un exercice difficile pour le médecin. Entre réticences personnelles et surcharge de travail, le risque est grand de mal gérer ce moment délicat, et de profondément modifier la relation médecin-patient. Dans un document consacré à ce thème (1), la HAS propose une série de repères pour aider les professionnels de santé dans ce contexte particulier.
L'annonce d'une mauvaise nouvelle à un patient provoque sur le moment une sidération l'empêchant...

L'annonce d'une mauvaise nouvelle à un patient provoque sur le moment une sidération l'empêchant...
Crédit photo : ©GARO/PHANIE

Le médecin peut lui aussi opposer des mécanismes de défense lorsqu'il a à annov-cer une mauvaise...

Le médecin peut lui aussi opposer des mécanismes de défense lorsqu'il a à annov-cer une mauvaise...
Crédit photo : ©ALIX/PHANIE

UNE SITUATION DIFFICILE POUR LE PATIENT ET LE MEDECIN

L'annonce d'une mauvaise nouvelle, qu'elle concerne la révélation au patient de l'existence d'une maladie grave dont il est porteur ou les conséquences potentiellement négatives pour son entourage (transmission génétique aux descendants, contamination d'autrui), constitue toujours un événement traumatique pour le malade. Sur le moment, il existe souvent une sidération, le patient n'entendant qu'une partie des informations qu'on lui donne. Plusieurs mécanismes de défense, qu'il faut savoir respecter, peuvent se mettre en place : par exemple, le patient parle de sa maladie avec détachement sans aucune manifestation d'angoisse, ou bien il évoque un autre problème de santé, moins grave mais qui l'inquiète, sans revenir sur « le » problème ; il peut aussi se montrer agressif envers l'entourage ou le médecin, ou opposer un déni ou, encore, laisser l'entourage tout prendre en charge.

Le médecin peut être lui aussi confronté à plusieurs difficultés : peur de la maladie et la mort, peur d’être désapprouvé, peur de faire mal, sentiment d'impuissance, de renoncement, problème d'acceptation de ses limites, sentiment de culpabilité, peur de ne pas être à la hauteur, peur des réactions émotionnelles. Lui aussi peut opposer plusieurs mécanismes de défense (voir encadré) : identification projective, rationalisation, fausse réassurance, banalisation, mensonge, fuite en avant. Chacun de ces mécanismes peut conduire le médecin à commettre des erreurs dans la façon d'annoncer une mauvaise nouvelle.

LE TEMPS, L'ECOUTE, LES MOTS CHOISIS

« Il n'y a pas une annonce, mais une succession d'annonces, tout au long de la prise en charge, au rythme des patients… » L'annonce d'une mauvaise nouvelle est donc un processus continu qui concerne tous les professionnels impliqués dans la prise en charge.

Si possible, la mauvaise nouvelle doit être annoncée lors d'une consultation spécifique. La durée prévue doit être suffisamment longue mais doit toujours s'adapter au patient. Certains malades sidérés, en effet, par la nouvelle, n'écoutent plus les paroles du médecin : mieux vaut alors écourter la consultation et proposer un deuxième entretien. Dans le cas contraire, l'entretien peut être plus long.

L'écoute active permet au malade d'exprimer ses émotions et l'aide à poser des questions. C'est une réponse à l'impact traumatique de la mauvaise nouvelle. L'information doit être délivrée progressivement, pas à pas, et de manière compréhensible. Il faut éviter le jargon médical et ne rien dire qui ne soit vrai. L'information doit être répétée, associée à un contrôle régulier de la compréhension, avec reformulation éventuelle. Par ailleurs, l'ouverture vers un espoir réaliste, la proposition d'objectifs à court terme ou de nouveaux projets de vie permettent au patient de se projeter dans sa vie future, quelle qu'elle soit. In fine, « l'important, c'est ce qui est compris, pas ce qui est dit. L'objectif est d'adapter l'information transmise à ce dont le patient a besoin à ce moment-là. Toujours se rappeler que ce qui est dit n'est pas ce qui est entendu par le patient et avoir à l'esprit que c'est le patient qui montre la voie à suivre ».

À l’issue d'un moment d'annonce, le patient doit savoir qu'il a un interlocuteur prêt à répondre à ses questions dans les jours qui suivent. On peut proposer une autre consultation, échanger (après accord du patient) avec les autres professionnels concernés, donner les coordonnées d'autres soignants, orienter vers une aide psychologique et sociale ou vers une association de malades, remettre des documents d'information.

LES QUESTIONS A SE POSER AVANT, PENDANT, APRES

Pour aider le médecin dans ce processus de l'annonce d'une mauvaise nouvelle, la HAS propose une série de questions à se poser avant, pendant et après l'annonce.

Avant la rencontre avec le patient

Comprendre ses propres difficultés

- Ai-je des difficultés à dire et pourquoi ?

- Quelles représentations, quelles expériences personnelles (positive, négative) ai-je de cette maladie et de ses conséquences ?

- Quel rôle vais-je avoir dans la prise en charge du malade (traitement, accompagnement) et quelles en sont les limites ?

Disposer de suffisamment d’informations sur la maladie et les options thérapeutiques :

- Que sais-je de la situation clinique du patient ?

- Que sais-je de la maladie et de son évolution naturelle (survenue de handicap, mise en place de traitements de plus en plus contraignants…) ?

- Que sais-je des options thérapeutiques, des prises en charge possibles et de leurs implications ?

- Que sais-je du rapport bénéfice-risque de chacune de ces prises en charge ?

- Quelle est la part d’incertitude du pronostic, de variabilité dans l’expression de la maladie ?

- Que puis-je prévoir de l’évolution de ce patient ?

- Qu’est-ce qui va changer dans la vie du patient ? Qu’est-ce qui sera probablement le plus difficile pour lui ?

- Quelle est la filière de prise en charge (structure d’accueil lorsque le handicap ou les difficultés surviennent) ?

Lors de la rencontre avec le patient

Obtenir du patient lui-même des informations le concernant

- Ce que le patient attend de cette consultation.

- Les personnes qu’il a déjà rencontrées, l’information qu’il a déjà reçue, ce qu il en a compris.

- Ce qu’il souhaite savoir, aujourd’hui.

- Les représentations qu’il a de cette maladie et de ses conséquences.

- Les expériences personnelles (famille, proches) qu’il a de cette maladie et de ses conséquences.

Connaître l’environnement du patient pour pouvoir lui apporter une information personnalisée, et identifier les situations susceptibles de le fragiliser et les possibilités de soutien.

- Sa situation familiale personnelle (enfant, personne à charge, isolé ou entouré).

- Les soutiens possibles.

- Sa situation matérielle, professionnelle, sociale.

- La représentation qu’a son compagnon / ses enfants / son entourage de la maladie.

- L’information qu’il souhaite que l’on donne aux proches, s’il préfère qu’on l’aide à informer ses proches.

- Les besoins ou les souhaits d’aide ou de soutien (psychologique, social) pour lui ou ses proches.

En fin de consultation

- Ai-je laissé au patient la possibilité de poser toutes les questions ?

- Suis-je en mesure de savoir ce qu’il a compris ?

- Qu’a-t-il retenu de la consultation ?

- Et pour la prochaine consultation : que me reste-t-il à lui dire ?

Dr Pascale Naudin-Rousselle (rédactrice, fmc@legeneraliste.fr), d’après un entretien avec le Pr Didier Sicard (président d'honneur du Comité consultatif national d'éthique, 7 rue Saint-Georges, 75009 Paris).

Source : lequotidiendumedecin.fr