Cardiovasculaire

HTA : GUIDE POUR LA PRISE EN CHARGE PHARMACOLOGIQUE

Publié le 18/09/2020
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Parmi les différentes familles d’antihypertenseurs, il peut être difficile de s’y retrouver et de prescrire les molécules contrôlant au mieux l'HTA, sachant que depuis les recommandations européennes de 2018, on préfère prescrire d’emblée l’association de deux médicaments de classes différentes.

Pour poser la diagnostic d’HTA, le Holter tensionnel est  le meilleur outil.

Pour poser la diagnostic d’HTA, le Holter tensionnel est le meilleur outil.
Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

INTRODUCTION

L’hypertension artérielle (HTA) est la première pathologie en fréquence en France, de l’ordre de 15 millions de patients, et aussi la première cause de mortalité. Pour autant, l’objectif tensionnel qui permet de réduire la mortalité et l’incidence des maladies cardiovasculaires n’est atteint que dans 50 % des cas. Cet échec du contrôle tensionnel dans la population hypertendue française a plusieurs causes. La principale est sans aucun doute un défaut de l’observance médicamenteuse. Cette inobservance a déjà été mesurée entre autres dans des études sur l'HTA résistante et serait de l’ordre de 50 % (1).
Les mécanismes à l’origine de l’inobservance sont eux aussi multiples et complexes. Mais il est certain qu’une bonne maîtrise de la prescription des traitements associée à la mesure de l’efficacité et de la tolérance du traitement sur le long terme sont les clés d’une bonne observance thérapeutique et, in fine, d’un bon contrôle tensionnel.
L’objectif de cette mise au point est donc de proposer quelques clés pour la bonne prescription des médicaments anti-HTA.

EN AMONT DU TRAITEMENT

C'est une évidence qu’il est toutefois primordial de souligner : il faut s’assurer que le patient est hypertendu. La prescription d’un traitement anti-HTA chez un sujet qui n’est pas réellement hypertendu sera mal supportée et par définition inutile. Cette première mauvaise expérience pourra compliquer une éventuelle prise en charge future.
Il est donc indispensable de réaliser des enregistrements de pression artérielle (PA) en dehors du cabinet médical pour confirmer le diagnostic d’HTA qui a été suspecté sur les mesures de PA au cabinet médical. Le Holter tensionnel est le meilleur outil pour cela, surtout dans cette phase diagnostique. En l’absence de mesure ambulatoire de la PA (MAPA), les auto-mesures tensionnelles peuvent être utilisées (2).

CHOISIR LES BONS ANTI-HTA

Parmi les différentes classes ou familles d’anti-hypertenseurs, il peut être difficile de s’y retrouver et de prescrire les molécules qui permettront de contrôler au mieux l’hypertension. Voici donc ce qu'il faut retenir :

Classes de traitements anti-hypertenseurs utiles :

Quatre classes de traitements anti-hypertenseurs sont suffisantes pour le contrôle tensionnel de l’immense majorité des patients (99 %). Il s’agit des inhibiteurs calciques, des bloqueurs du système rénine-angiotensine (SRAA), des diurétiques thiazidiques et apparentés, et des bloqueurs des récepteurs de l’aldostérone.
Ces quatre classes de traitements bénéficient d’associations fixes qui permettent de limiter le nombre de comprimés à prendre par le patient. Ainsi, chez les patients les plus résistants, cette quadrithérapie pourra être prescrite sous la forme de deux comprimés simplement.
En conséquence : une règle de prescription est de ne pas prescrire plus de deux comprimés (soit au maximum quatre molécules actives) pour obtenir le contrôle tensionnel.

Classes de traitements anti-hypertenseurs inutiles :

Les alpha-bloquants et les anti-hypertenseurs centraux n’ont pas d’intérêt dans la prise en charge de l’HTA. Leurs effets secondaires fréquents et leur faible efficacité tensionnelle ne doit pas les faire prescrire. Ils alourdissent inutilement l’ordonnance et ainsi augmentent considérablement le risque d’inobservance thérapeutique.

Classe de traitement intermédiaire :

Les bêta-bloquants sont une classe historique du traitement de l’HTA et une signature du cardiologue. Pour autant, leur intérêt dans la prise en charge tensionnelle a largement été remise en question.
Concernant leur mécanisme d’action sur le contrôle tensionnel, il est en rapport avec un blocage des récepteurs bêta de l’appareil juxta-glomérulaire, usine de production de la rénine. Ainsi, il est un bloqueur du SRAA a minima. Au vu de l’efficacité des IEC/ARA2, l’association à un bêta-bloquant n’est pas pertinente.
D’autre part, la tolérance des bêta-bloquants et les conséquences cardiovasculaires de cette famille de médicaments remet en cause le bénéfice tensionnel observé.
Ainsi, les bêta-bloqueurs augmentent la variabilité tensionnelle (3) et favorisent l’hypotension orthostatique (4). Ces deux paramètres hémodynamiques sont associés à un mauvais pronostic cardiovasculaire et cognitif. De plus, ils sont diabétogènes, avec une augmentation très significative des cas incidents de diabète qui, là encore, contre-balance le bénéfice tensionnel, et ce d’autant que l’on prescrit ce médicament chez des sujets avec un terrain métabolique péjoratif (habituel chez les patients hypertendus) (5).
Ces données ont été particulièrement bien mises en évidence dans l’étude Ascott, qui démontre que malgré une baisse de PA identique dans les deux bras comparés, le groupe IEC/ICa++ avait une mortalité totale très significativement diminuée (6).
La prescription du bêta-bloquant ne doit donc pas être utilisée en première intention dans l’HTA. Pour autant, elle reste une classe utile mais pour d’autres indications : insuffisance cardiaque, ischémie myocardique, troubles du rythme. Mais ce n’est plus l’HTA.

MISE EN PLACE DU TRAITEMENT

Une fois le diagnostic d’HTA confirmé, la mise en œuvre du traitement doit être immédiate. Les dernières recommandations des sociétés européennes d’hypertension et de cardiologie, l’ESH/ESC, ont proposé une nouvelle approche d’introduction pragmatique pour accélérer l’efficacité du traitement tout en s’assurant d’une bonne tolérance du traitement, qui sont deux conditions nécessaires à une bonne observance du traitement sur le long terme (2). Ainsi, une bithérapie en association fixe sera prescrite d’emblée chez tous les patients. Cette bithérapie privilégie les bloqueurs du SRAA et les inhibiteurs calciques en première intention.
En cas d’efficacité insuffisante, il faudra ajouter un diurétique thiazidique ou équivalent comme l’indapamide. Les diurétiques de l’anse type furosémide n’ont pas d’AMM dans l’HTA.
En cas d’efficacité insuffisante, il faudra d’une part évoquer une cause secondaire d’HTA et d’autre part introduire un bloqueur des récepteurs de l’aldostérone.
Cette quadrithérapie, une fois atteinte, doit contrôler la quasi-totalité des HTA. Dans le cas contraire, un avis spécialisé sera nécessaire.

SUIVI DU PATIENT

La prescription d’un anti-HTA doit être accompagnée. C'est-à-dire qu’il faudra s’assurer systématiquement de la bonne efficacité du traitement et de sa bonne tolérance. C’est ce double objectif qui assurera la meilleure observance et donc la meilleure efficacité.
Une consultation, quatre semaines après chaque modification de traitement, est donc indispensable, avec l’apport d’une série d’automesures tensionnelles pour vérifier l’efficacité du médicament. L’interrogatoire recherche des signes d’intolérance aux médicaments. En cas d’intolérance, même minime, il faudra changer le traitement. En effet, il n’est pas acceptable de supporter toute sa vie un traitement qui gêne au quotidien, sous peine là encore d’une inobservance thérapeutique.

EN RÉSUMÉ

Le traitement pharmacologique de l’HTA essentielle est efficace et permet de contrôler l’immense majorité des patients.
Pour cela : limiter la prescription à deux comprimés maximum. Ces deux comprimés sont des associations fixes qui utilisent les quatre classes utiles pour le contrôle tensionnel : les bloqueurs du SRAA, les inhibiteurs calciques, les diurétiques thiazidiques et apparentés, et les antagonistes des récepteurs de l’aldostérone.
Le suivi de la tolérance et de l’efficacité du traitement par des séries d’automesure permet de s’assurer de la bonne protection cardiovasculaire du patient.
En cas d’échec de la quadrithérapie antihypertensive, il faut adresser le patient à un centre expert en HTA.

Bibliographie

1 - Hamdidouche, I., P. Gosse, et al. (2019). "Clinic Versus Ambulatory Blood Pressure in Resistant Hypertension: Impact of Antihypertensive Medication Nonadherence: A Post Hoc Analysis the DENERHTN Study." Hypertension 74(5): 1096-1103.

2 - Williams, B., G. Mancia, et al. (2018). "2018 ESC/ESH Guidelines for the management of arterial hypertension." European heart journal 39(33): 3021-3104.

3 - Rothwell, P. M., S. C. Howard, et al. (2010). "Effects of beta blockers and calcium-channel blockers on within-individual variability in blood pressure and risk of stroke." The Lancet. Neurology 9(5): 469-480.

4 - Cremer, A., P. Boutouyrie, et al. (2020). "Orthostatic hypotension: a marker of blood pressure variability and arterial stiffness: a cross-sectional study on an elderly population: the 3-City study." Journal of hypertension 38(6): 1103-1109.

5 - Mancia, G., G. Grassi, et al. (2006). "New-onset diabetes and antihypertensive drugs." Journal of hypertension 24(1): 3-10.

6 - Dahlof, B., P. S. Sever, et al. (2005). "Prevention of cardiovascular events with an antihypertensive regimen of amlodipine adding perindopril as required versus atenolol adding bendroflumethiazide as required, in the Anglo-Scandinavian Cardiac Outcomes Trial-Blood Pressure Lowering Arm (ASCOT-BPLA): a multicentre randomised controlled trial." Lancet 366(9489): 895-906.

Liens d'intérêts

L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts relatif au contenu de cet article.

Dr Antoine Cremer (praticien hospitalier, ESH Hypertension Specialist, unité de cardiologie et d’hypertension artérielle, hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux).
HTA

Source : lequotidiendumedecin.fr