Dermatologie

INFECTIONS CUTANÉES BACTÉRIENNES

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Publié le 09/05/2019
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Les infections cutanées sont un motif fréquent de consultation en pratique quotidienne. La HAS a actualisé avec les sociétés savantes de dermatologie (SFD) et d’infectiologie (SPILF) ses recommandations qui permettent désormais de réduire les antibiothérapies inutiles ou inappropriées et d'homogénéiser les pratiques.
Impetigo

Impetigo
Crédit photo : DR. J. P. NOBLE/CNRI/SPL/PHANIE

LA DERMOHYPODERMITE BACTÉRIENNE NON NÉCROSANTE 

Ex-érysipèle, la dermohypodermite bactérienne non nécrosante (DHBNN) est une infection aiguë limitée au derme et à l’hypoderme qui touche surtout l’adulte.

Les principaux facteurs de risque sont un antécédent personnel de DHBNN, l’obésité (IMC > 30), un œdème chronique ou un lymphœdème, et une porte d’entrée cutanée (intertrigo, dermatose sous-jacente, plaie, etc.). Chez l’enfant, le principal facteur favorisant est la varicelle.

→ Le diagnostic de DHBNN est clinique et ne nécessite pas d’examens complémentaires

Il est recommandé de rechercher une porte d’entrée cutanée, de marquer au feutre les contours du placard inflammatoire ou d’en réaliser une photographie pour en suivre l’évolution. 

→ Le traitement repose sur une antibiothérapie par voie générale pendant 7 jours (voir tableau 1) par amoxicilline en première intention. La régression complète des signes cutanés est souvent retardée de 2 à 3 semaines par rapport aux signes généraux. L’antibiothérapie locale n’est pas recommandée.

→ Les corticoïdes et les AINS en adjuvant ne sont pas recommandés. En cas de prise chronique d’AINS, il est recommandé de les arrêter transitoirement jusqu’à guérison. S'il s'agit de de corticoïdes ou d’aspirine à dose anti-agrégante, ils seront poursuivis sans modification de doses.

→ Des mesures d’accompagnement sont nécessaires. En cas d'atteinte d’un membre, le repos avec surélévation du membre atteint est recommandé, ainsi que la contention veineuse dès l’amélioration de la douleur et la mise à jour de la vaccination antitétanique. 

→ En prévention des récidives : prise en charge des facteurs de risque (lymphœdème, porte d’entrée, obésité) ; antibioprophylaxie (effet suspensif) si facteurs de risque non contrôlables et après deux épisodes dans l’année écoulée (voir tableau 1).

FURONCLES ET ANTHRAX

Le furoncle est une infection profonde et nécrosante du follicule pilo-sébacé due à Staphylococcus aureus (SA), qui produit dans la très grande majorité des cas une toxine, la leucocidine de Panton-Valentine (SA LPV+).  Il se manifeste par une lésion papulo-nodulaire très inflammatoire qui évolue en 5 à 10 jours vers la nécrose folliculaire avec l’élimination du follicule pileux (bourbillon). 

→ Le facteur favorisant principal est un contact avec une personne infectée dans l’entourage proche (milieu intrafamilial, sport de contact ou d’équipe, milieu scolaire, etc.). 

→ La distinction entre les furoncles isolés et les autres formes cliniques à risque de complications conditionne la prise en charge.

Les situations à risque de complications sont  les lésions de progression rapide, les lésions multiples, les lésions de taille supérieure à 5 cm, la présence d’une dermohypodermite, la présence de signes systémiques (fièvre), les âges extrêmes (moins de 12 mois), l’existence de comorbidités ou d’une immunodépression associée (diabète, corticothérapie générale), une localisation rendant le drainage difficile ou pouvant se compliquer d’une thrombophlébite (face), l’absence de réponse au traitement initial ou au drainage seul. 

→ En cas de furoncle isolé vu en pratique de ville, il est recommandé de ne pas faire de prélèvement bactériologique.  En cas de furoncle compliqué ou survenant dans un contexte particulier (retour de voyage) ou sur un terrain à risque, il est recommandé de faire un prélèvement bactériologique du pus avant de débuter une antibiothérapie.  

→ Le traitement du furoncle isolé repose sur des soins locaux :

– pas de manipulation du furoncle (limite le risque de complications) ;

– soins de toilette quotidiens (lavage à l’eau et au savon) ;

– incision de l’extrémité pour évacuer le bourbillon (furoncle volumineux) ;

– protection de la lésion avec un pansement ;

– pas d’antibiothérapie (ni locale, ni générale).→ Le traitement du furoncle compliqué repose sur une antibiothérapie orale pendant 5 jours mais pas d’antibiothérapie locale, des mesures d’hygiène rigoureuses (changement de linge et toilette à l’eau et au savon tous les jours). Chez l’enfant, un avis pédiatrique hospitalier est nécessaire car les formes compliquées abcédées sont plus fréquentes.
 

QUELLES DHBNN HOSPITALISER ?

Il convient d’hospitaliser d’emblée le patient en présence de : signes de gravité locaux ou généraux ; maladie associée (immunodépression, diabète déséquilibré, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale sévère, insuffisance hépatique, etc.) ; obésité morbide (IMC > 40) ; impossibilité de traitement ou de surveillance médicale à domicile, risque de non-observance thérapeutique, personne en état de précarité, impossibilité de prendre un traitement par voie orale ; sujet âgé > 75 ans et polypathologique avec risque de mauvaise réponse au traitement et/ou risque de décompensation de pathologie chronique ; âge inférieur à 1 an.
• Une hospitalisation secondaire est recommandée en cas d’apparition de signes de gravité locaux ou généraux ou d’évolution défavorable dans les 24 à 48 heures suivant l’instauration du traitement antibiotique (fièvre persistante, extension du placard inflammatoire).

FURONCULOSE

La furonculose est la répétition de furoncles pendant plusieurs mois, voire des années.

→ Le facteur de risque principal est le portage du SA, ou le contact avec une personne infectée à SA LPV+, en particulier dans l’entourage.  Les autres facteurs de risque sont l’obésité, le diabète, une hygiène cutanée insuffisante, un déficit immunitaire, une carence martiale.

→ Sur le plan bactériologique, il est recommandé de pratiquer un prélèvement d’un furoncle (pus) avant de débuter le traitement antibiotique curatif. Le dépistage du portage de SA au niveau des gîtes bactériens (nez, gorge, anus, périnée) est nécessaire seulement après échec d’une première décolonisation des gîtes bactériens. 

→ Lors d’une poussée, le traitement repose sur une antibiothérapie orale anti-staphylococcique pendant 7 jours (voir tableau 1), des mesures d’hygiène et de protection des lésions par pansement, des douches antiseptiques avec une solution moussante de chlorhexidine comme savon et comme shampoing (une fois par jour pendant 7 jours).

→ Après guérison de la poussée, il faut pratiquer une décolonisation des gîtes bactériens du patient et de son entourage (personnes vivant sous le même toit et en contact proche). Ce protocole de décolonisation comprend notamment : - l'application nasale de pommade de mupirocine deux fois par jour pendant 7 jours ;  - l'utilisation une fois par jour pendant 7 jours d’une solution moussante de chlorhexidine comme savon et comme shampoing ; - des mesures d’hygiène des mains (lavage des mains, ongles courts et propres) et d’hygiène corporelle (douche quotidienne, vêtements propres, changer fréquemment le linge de toilette et les draps) ;  - des mesures d’hygiène de l’environnement (linge, vaisselle, entretien des locaux) ;  - des bains de bouche biquotidiens à la chlorexidine (adulte et enfant à partir de 6 ans). 

→ Il n’est pas recommandé de réaliser une décolonisation nasale par mupirocine, sans appliquer les autres mesures de décolonisation et d’hygiène.  Il n’est pas recommandé de prescrire une antibiothérapie générale pour réaliser une décolonisation. 
 

LA FASCIITE NÉCROSANTE (DHBN) ET LA DERMOHYPODERMITE BACTÉRIENNE NÉCROSANTE (FN)

Les dermohypodermites bactériennes nécrosantes (DHBN) et fasciites nécrosantes (FN) sont des infections aiguës nécrosantes du derme et de l’hypoderme pouvant atteindre le fascia, comme dans la FN, voire le muscle, qui s’accompagnent souvent de la production d’endo et d’exotoxines.
 Leur évolution est souvent fulminante, mettant en jeu le pronostic vital (mortalité entre 20 % et 30 %).
• Elles sont plus fréquentes chez l’adulte et surviennent surtout après 50 ans.
• Les principaux facteurs de risque sont : le diabète, les AINS, l’immunodépression (corticoïdes, chimiothérapie, immunosuppresseurs, insuffisance rénale chronique, cirrhose), la malnutrition, l’âge supérieur à 60 ans, la toxicomanie intraveineuse, l’insuffisance veineuse, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) et l’obésité. Chez l’enfant, la varicelle est le principal facteur de risque de DHBN.
• Il est recommandé de suspecter ce diagnostic devant une dermohypodermite présentant les caractéristiques cliniques suivantes : signes généraux de sepsis (score de qSOFA ≥ 2 chez l’adulte : troubles de conscience, fréquence respiratoire >22/minute et PAS < 100 mmHg), ou de choc toxinique ; douleur particulièrement intense, discordante avec les signes locaux, impotence fonctionnelle ; signes locaux de gravité (lividités, taches cyaniques, crépitation sous-cutanée, hypo ou anesthésie locale, induration dépassant l’érythème, nécrose locale) ; extension rapide des signes locaux en quelques heures ; aggravation des signes locaux 48 heures après l'introduction de la première antibiothérapie, malgré un traitement adapté.
• La FN est une urgence médico-chirurgicale, dont le diagnostic reste essentiellement clinique. La réalisation d’examens complémentaires n’est pas recommandée en pratique de ville pour ne pas retarder la prise en charge thérapeutique, qui est hospitalière.

IMPÉTIGO

L'impétigo désigne des lésions cutanées vésiculo-pustuleuses et secondairement croûteuses, dues à une infection superficielle, non folliculaire touchant initialement l’épiderme. Il en existe deux formes cliniques : la forme habituelle non bulleuse (environ 70 % des cas) et l’impétigo bulleux qui touche surtout les jeunes enfants (âgés de moins de 2 ans). 

→ L'impétiginisation désigne l’infection bactérienne d’une dermatose préexistante (pédiculose du cuir chevelu, gale, varicelle, prurigo ou dermatite atopique). L’ecthyma correspond à la forme chronique et creusante (atteinte du derme).

→ C'est avant tout une pathologie pédiatrique dont le pic d’incidence se situe entre 0 et 10 ans, avec une prédominance estivale. Staphylococcus aureus A est le principal germe responsable d’impétigo en France. Le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A est plus anecdotique, sauf dans les pays (ou communautés) à faible niveau de ressources.

→ Lors d’une première poussée, l'impétigo peu étendu ne relève pas du prélèvement bactériologique. Ce dernier s'impose pour les autres formes (lire encadré ci-contre) et doit alors se faire sur les lésions actives (pus, liquide de bulle). 

→ Le traitement comprend :

– des soins de toilette quotidiens ou biquotidiens, avec nettoyage à l’eau et au savon suivi d’un rinçage.

– pas d’application d’antiseptiques locaux.

– pour un impétigo localisé ou peu étendu, une antibiothérapie locale par mupirocine (2 à 3 fois par jour durant 5 jours) suffit.

– pour les formes graves, une antibiothérapie orale durant 7 jours est nécessaire, sans attendre les résultats du prélèvement. Des applications biquotidiennes de vaseline (après les soins de toilette) sont recommandées. Il n’y a pas lieu de prescrire une antibiothérapie locale.

– en collectivité, si lésions non protégeables par pansement, 3 jours d’éviction après le début du traitement.

→ Il convient de ne plus dépister la glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique, car très rare.

FORMES GRAVES D'IMPÉTIGO

• Ecthyma (forme nécrotique creusante).
• Impétigo avec une surface cutanée atteinte > 2 % de la surface corporelle totale.
• Impétigo ayant plus de 6 lésions.
• Extension rapide des lésions.

Bibliographie

1- HAS. Prise en charge des infections cutanées bactériennes courantes.
Recommandation de bonne pratique, fiche de synthèse, février 2019

 

Synthèse de la recommandation de la HAS (1). Dr Linda Sitruk.

Source : lequotidiendumedecin.fr